L'histoire secrète des dalaï-lamas
l’émergence d’une véritable bourse aux renseignements, à laquelle vont participer les services secrets américains, néo-zélandais, australiens, indiens, japonais qui, à l’époque, avec son fameux naicho [*] s’avère l’un des plus efficaces du Sud-Est asiatique.
Nom de code : St. Circus
Les rencontres entre les agents de la CIA et les chefs de la résistance tibétaine, les uns comme Gompo Tashi dirigeant les groupes de l’intérieur du territoire tibétain, les autres comme Gyalo Thondup agissant depuis l’extérieur, se multiplient.
La demeure de Gyalo Thondup à Kalimpong, siège de l’UBET, est l’endroit idéal pour discuter.
C’est le début de l’opération connue sous le nom de code : St. Circus.
Il s’agit de ravitailler par air la résistance tibétaine, en armes, matériel et nourriture. Une compagnie de transport aérien, la CAT, Chinese Air Transport , fondée en 1946 par les Américains à Taiwan, en est chargée : la CAT travaille depuis 1947-1948 avec les services secrets américains.
Parallèlement, sept cents Tibétains ont été recrutés par Gompo Tashi et quelques autres chefs de la résistance pour suivre un stage aux Etats-Unis, chez les Marines, à Camp Haie, à quatre cents kilomètres de Leadville, dans les montagnes du Colorado. Leur devise : Vaincre. Les Tibétains sont acheminés sur place par l'US Air Force Detachment 2, 1045th Operational Evaluation and Training Group [450] . Les instructeurs ont seulement quelques mois pour leur apprendre l’art de la guerre. Placés en état d’alerte permanent, les résistants tibétains deviennent rapidement des spécialistes des arts martiaux, capables de manier aussi bien le pistolet-mitrailleur et le fusil que les armes blanches, les roquettes ou les canons sans recul de 57 et 75 mm. Les Tibétains apprennent aussi à lire les cartes topographiques, à utiliser des émetteurs-récepteurs RS-1HF, comprenant la transmission, l’encryptage et le décodage. Au Tibet, ils auront pour mission de renouer avec la population, de recruter des informateurs en son sein, de fournir un maximum de renseignements sur les unités de l’APL stationnées sur le Toit du monde, de noter les déplacements de troupes, les mouvements civils et de ralentir leur progression par des opérations de guérilla. Un retour mensuel est programmé. Une semaine avant de quitter Camp Haie, les Tibétains sont transférés à la Kadena AFB d’Okinawa, au Japon. C’est là que les agents de la CIA leur remettront cartes, compas, lunettes binoculaires, armes, boîte de survie et... un cachet de cyanure.
Le dernier transfert avant le grand saut sur le Tibet est le passage incontournable sur la base avancée de ST Barnum à Kermitola, dans l’est du Pakistan [451] . La CIA planifiera plusieurs opérations au début de l’année 1959. La résistance réclame de plus en plus d’armes et d’équipements. Lors de chaque largage sur des droping zones choisies minutieusement par les résistants, la CIA les photographie : c’est un U2, un avion de haute altitude du Development Projects Division of the CIA’s Directorate of Plans [452] , qui s’en charge.
Le soulèvement
Février-mars 1959. Malgré les menaces qui pèsent sur son peuple, Tenzin Gyatso, bientôt âgé de vingt-quatre ans, a fait la promesse à son entourage de présenter ses derniers examens monastiques pendant les cérémonies de la Mönlam, rituels collectifs de bons voeux effectués chaque année au moment du lossar. Comme tous les ans, la population a quadruplé dans la capitale. Qu’importe la présence des militaires. L’événement est trop important ! Si les joutes philosophiques ont toujours attiré les foules par le passé, cette année 1959 est bien différente : leur jeune souverain passe ses examens, un événement qui ne s’est plus produit depuis de nombreuses décennies, à l’époque du treizième dalaï-lama.
Lhassa en fête, ce sont les chansons des rues, les réceptions, les parties de mah-jong et de dés qui s’éternisent, malgré l’occupation chinoise. Quelques lampes à gaz et lampes Tilley illuminent l’obscurité naissante et brûlent fort tard, les Tibétains prochinois recevant leurs hôtes : pour saluer cette collaboration, les nouveaux maîtres du Tibet leur ont encore une fois offert de l’argent et des cadeaux.
Cependant, la famine touche la capitale. Très rares sont donc les Lhassapas à posséder la farine
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