L'histoire secrète des dalaï-lamas
séances de thamzings imposées quotidiennement, après avoir été incarcéré dans le camp un mois auparavant. Il y a deux sortes de thamzings, la paisible et la violente : pendant la première, le prisonnier est seulement interrogé, mais, pendant le seconde, il est interrogé et battu, debout, tête baissée, au centre de la pièce.
Or, en 1999, il y a de plus en plus de laogaïs au Tibet et dans la province chinoise du Qinghai, anciennes provinces de l’Amdo et du Kham. À Lanzhou comme à Drapshi, les prisonniers ne peuvent plus penser, perdent toute notion de dignité. Corps et esprit doivent appartenir à la République populaire de Chine. Chacun devient un numéro. Ce numéro entre dans un système, où, nous l’avons vu, ville, province, région, État tirent un bénéfice énorme du travail fourni : Lanzhou est à l’image de tous les laogaïs de Chine et du Tibet : une prison rectangulaire où des cellules excentrées sont réservées à l’isolement. Celle du garçon mort se trouvait tout à fait à gauche, à l’opposé de l’entrée, juste à côté des latrines. Où règne une puanteur insupportable.
Cependant, des doutes sur sa mort persistent. Les Chinois n’ont pas révélé l’identité de l’enfant et le directeur du camp a démenti le décès. Les rumeurs s’intensifient pourtant. On parle d’un accident... d’un crime... Ce garçon, c’est le onzième panchen-lama Guendun Choekyi Nyima... Ce garçon n’est pas le petit Guendun... Le onzième panchen-lama aurait été aperçu dans l’est du Tibet, sans sa famille, laquelle aurait été transférée dans la province chinoise du Qinghai. Les Chinois l’auraient, au contraire, séparé de sa famille pour mieux pouvoir le rééduquer. Pressé par les experts du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’ambassadeur chinois répondra que Pékin a pris Guendun Choekyi Nyima « sous tutelle à la demande des parents ». Foutaises ! disent les Tibétains. Le panchen-lama aurait été transféré dans un premier temps à Pékin, afin de l’éloi-gner de son pays, un peu comme on le fit pour le dixième panchen-lama.
Plusieurs questions se posent aujourd’hui. La plus importante concerne le dalaï-lama. Tenzin Gyatso se mure en effet dans le silence sur ce point. Or, beaucoup estiment que le souverain tibétain, depuis son exil doré, a sacrifié le petit Guendun d’une certaine manière. Pourquoi ? Si le onzième panchen-lama était mort à Lanzhou en 1999, le dalaï-lama n’aurait-il pas réactivé le processus de recherches de l’enfant réincarné ? Pourquoi les Chinois assassineraient-ils le petit Guendun au risque d’attirer contre eux les foudres de l’opinion internationale ? Certes, la Chine est capable de tout, y compris de cacher la mort d’un garçon, qui, si l’on respecte la tradition du bouddhisme tibétain, doit désigner le successeur du quatorzième dalaï-lama Tenzin Gyatso... Mais est-ce la raison de tous ces mystères ? Rien ne permet de l’affirmer directement.
Expériences médicales et trafics d’organes.
En 2009, il faut rappeler qu’il y a toujours entre huit et dix millions de prisonniers dans les camps de Chine : 66 % d’entre eux sont des pratiquants du Falun Gong ; 11 % des Ouïgours ; 8 % des prostituées ; 6 % des Tibétains ; 5 % des défenseurs des droits de l’homme ; 2 % des dissidents politiques ; et 2 % de malades atteints du sida et des membres d’autres groupes religieux, dont les chrétiens.
Que ce soit dans les laogaïs [*] , forme abrégée de Lao Dong Gai Zao , c’est-à-dire le redressement par le travail ; dans les laojiao [*] , où les détenus sont des gens qui auraient commis des erreurs, mais qui conservent leurs droits civiques, ou les juiyé [*] , l’affectation professionnelle obligatoire ; ces structures ont été transformées, en 1983, par Deng Xiaoping en des entités économiques autonomes, où les dirigeants du Parti agissent comme des chefs d’entreprises ayant droit de vie et de mort sur leurs prisonniers. Qu’ils soient Chinois, Ouïgours, Tibétains, dissidents politiques, contre-révolutionnaires, intellectuels, chrétiens, musulmans, bouddhistes ou membres du Falun Gong, au bout de leurs nombreuses années d’enfer, il n’y a que la mort... On sait aujourd’hui que dans ces camps – présents dans chaque ville de Chine et du Tibet – on fabrique de tout : des automobiles jusqu’aux vêtements, en passant
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