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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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de prendre
un compte plus exact de la disposition des lieux.

    L'irrégularité
du jardin - un trapèze dont la pointe s'étendait
au-delà des écuries - était masquée par
la symétrie de deux longs parterres rectangulaires terminés
d'un rond-point orné de treillages. Les autres parties étaient
formées par des salles de verdure reliées entre elles
par de petites allées de boulingrins, plantés en
labyrinthe. Chacun des deux parterres était orné de
corbeilles en pierre. L'allée centrale venait buter sur un
grand bassin circulaire en marbre décoré d'un groupe
d'amours et de tritons de plomb, destinés à cracher
l'eau. Une allée pavée formait une espèce de
terrasse devant les degrés menant aux grandes pièces du
rez-de-chaussée. Une petite porte par laquelle Nicolas était
sorti s'inscrivait dans l'angle droit formé par les bâtiments
et se trouvait à demi dissimulée dans une sorte de
rotonde renfoncée.

    Nicolas repassa à
gauche et découvrit une porte cochère fermée,
qui devait donner sur un chemin adjacent perpendiculaire à la
route où se déployait l'hôtel de Ruissec. Il
longea le mur d'enceinte sur tout son pourtour, s'arrêtant çà
et là et s'accroupissant à plusieurs reprises dans les
feuilles mortes. Il acheva son tour dans l'angle en retrait où,
derrière une haie, il découvrit une cabane de jardinier
remplie d'outils, d'arrosoirs, d'une échelle et de semis en
pots. Il revint vers le bassin central ; au fur et à mesure
qu'il s'en approchait, une odeur d'eau croupissante s'imposait,
mêlée, à celle entêtante des buis. Une
impression lui traversa l'esprit sans qu'il réussît à
la saisir.

    Après un
dernier coup d'œil aux plates-bandes plantées de
rosiers, Nicolas rejoignit Bourdeau et Picard qui devisaient. Il
était toujours surpris de la capacité de son adjoint à
gagner la sympathie des plus humbles. Il demanda au majordome
d'avertir son maître d'avoir à le recevoir. Picard
s'exécuta et revint sans un mot ; il ouvrit la porte d'un
grand salon, y alluma des flambeaux et invita Nicolas à
entrer.

    La douce et
mouvante lueur des bougies éclairait un salon dont l'un des
murs figurait, en trompe l'œil, une échappée sur
une nature imaginaire. Une grande arcade ouvrait la vue orientant le
regard sur un parc ; elle laissait deviner la campagne dans le
lointain. Pour en reculer la perspective, l'artiste avait placé.
à mi-distance deux rampes de marbre naissantes qui semblaient
border en s'éloignant un perron esquissé par leur
commencement. L'arcade, portée par des colonnes ioniques,
était complétée de pilastres soutenant un
attique au panneau décoré d'amours musiciens en ronde
bosse. Des croisées dessinées, ouvertes à droite
et à gauche de l'œuvre, ajoutaient encore à
l'illusion en laissant voir le prolongement de l'espace suggéré
au-delà du salon réel. Nicolas admira cet étonnant
accord du pinceau et du ciseau. Il se perdait dans sa contemplation,
retrouvant dans cette œuvre grandeur nature l'un des thèmes
de ses rêves d'enfant. Les quelques gravures qui ornaient sans
fantaisie l'intérieur austère du chanoine Le Floch à
Guérande lui avaient offert bien des occasions de se laisser
emporter par son imagination. Il demeurait des heures à
regarder les scènes représentées, notamment
celle du supplice de Damiens sur la place de Grève, jusqu'au
moment où il se sentait transporté à l'intérieur
de l'action. Alors, dans une sorte de sommeil éveillé,
il brodait d'interminables aventures avec, au fond de lui-même,
la crainte inexprimée de ne pouvoir revenir en arrière
pour regagner une existence paisible et protectrice. Ce qu'il voyait,
cette reconstitution de la vie, dans son déploiement baroque
et son décor d'opéra, le fascinait et l'attirait tout à
la fois. Il tendit la main comme pour y pénétrer.

    Une voix rageuse
s'éleva, le ramenant à la réalité.

    â€“ « Es-tu
l'allié d'un tribunal de perdition, érigeant en loi le
désordre » et se complaisant dans la perversité
des images ?

    Nicolas se
retourna. Le comte de Ruissec se tenait devant lui.

    â€“ Psaume 94.
Vous n'êtes sans doute ni huguenot ni janséniste,
monsieur. J'ai

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