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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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bien ce
qu'une demi-vérité allait produire. Ou elle avait une
force d'âme peu commune, ou elle n'était pour rien dans
la mort de son amant : elle ne chercha pas à manifester la
moindre inquiétude.

    â€“ Qu'il
aille au diable, c'est le cadet de mes soucis ! Je l'ai vu jeudi
dernier, je lui ai craché le morceau qu'il était fiancé
et que j'étais roulée dans la farine. Il voulait
s'arranger, disait-il, me conserver. Il aurait fait beau voir. Oh !
je connais la combinaison : il aurait fait le faquin à la Cour
avec sa gueuse et ensuite, à temps perdu, il serait venu se
rouler dans mes draps. Gratis bien entendu !

    Elle était
retournée s'affairer à sa toilette, avait retiré
le paravent. Il ne la voyait plus. Il entendait des bruits d'eau
versée.

    â€“ Et mardi
soir ?

    â€“ Quoi,
mardi soir ? Va-t-on passer en serinette tous les jours de la semaine
?

    â€“ Ce sera le
seul, dit Nicolas qui regardait le chat jouer sous le lit avec une
perruque d'h0mme de teinte claire, auprès de laquelle gisait
un rabat blanc.

    â€“ Mardi soir
? Mardi soir, il y a eu relâche. Arlequin était malade,
et je suis restée ici à me reposer.

    Elle n'avait
pourtant pas l'allure d'une personne qui se repose.

    â€“ Seule ?

    â€“ Monsieur,
vous passez les bornes. Oui, seule. Seule avec Griset, mon chat.

    En entendant son
nom, le matou sortit de sa cachette et rejoignit sa maîtresse à
pas comptés, la queue en point l'interrogation et le regard
fixé sur Nicolas. Il n'y avait plus rien à ajouter et
Nicolas prit congé ; on ne lui répondit pas. Il fut
reconduit avec cérémonie par la soubrette qui lui
tendit sans vergogne une main réclamante. Après une
seconde d'hésitation, il paya son obole. Décidément,
la maison Bichelière péchait par bien des endroits,
mais pas par la pudeur des habitudes.

    Il se retrouva
dans la rue avec le regret de ce qui s'était passé.
« Comment, se disait-il, me voilà en pleine enquête
interrogeant un témoin dans une affaire criminelle, qui
abandonne toute retenue et me laisse aller sans réfléchir
! » Une petite voix tentait bien d'avancer des
circonstances atténuantes : il n'avait pas vraiment voulu
cela, la fille était belle et entreprenante, et d'ailleurs
réputée facile. A cet examen de conscience s'ajoutait
une inquiétude latente. La bourrasque des sens avait été
si violente qu'il n'avait pris aucune précaution. Il ne se
rappelait que trop les recommandations de son ami Semacgus. Avec
l'expérience acquise d'un vieux libertin, celui-ci l'avait mis
en garde contre les dangers de fréquenter les comédiennes,
filles d'opéra et autres gueuses, trop heureuses ou trop
insouciantes pour se soucier de semer à tous vents les fleurs
poivrées de leur licence. Le chirurgien l'avait vivement
pressé d'user d'un doigt de cæcum de mouton, plus
communément appelé condom, qui constituait pour l'homme
le meilleur bouclier contre les coups de pied de Vénus. Enfin,
qui était ce « Gilles » dont le prénom
avait fâcheusement troublé un moment de paroxysme ?

    Pour se changer
les idées, Nicolas se dirigea vers la place des Victoires. Il
ne se lassait pas de la beauté de l'endroit. Il n'avait jamais
eu l'occasion de considérer de près le monument qui en
ornait le centre. Louis XIV, Viro immortali , y trônait
en gloire. Protégé par une renommée aux ailes
étendues, le monarque dominait des esclaves enchaînés,
le globe terrestre à ses pieds, aux côtés de la
massue et de la peau de lion d'Hercule.Un jour qu'ils traversaient
l'endroit en carrosse, M. de Sartine avait filé l'anecdote
connue il aimait le faire. Il lui avait appris qu'un courtisan, le
maréchal de La Feuillade, avait édifié cette
place, poussant même l'adulation jusqu'à vouloir creuser
un souterrain partant de la crypte de l'église des
Petits-Pères et rejoignant un caveau placé exactement
sous la statue, et dans lequel sa dépouille ferait la cour au
roi pour l'éternité. Le lieutenant général
de police lui avait signalé que le quartier était jadis
mal famé et que le souvenir de ce temps difficile se lisait
encore dans le nom de la rue Vide-Gousset.

    Nicolas rentra rue
Montmartre sur le coup de sept heures. Le logis, d'habitude paisible,
était

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