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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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saisi d'une joyeuse agitation. Marion et Catherine
s'affairaient à l'office au milieu des bruits et des vapeurs
odorantes des préparatifs du souper. Le parfum d'un fumet de
poisson et celui d'une croûte beurrée dominaient. Cette
ambiance dissipa les derniers restes d'une mélancolie due
autant à une digestion difficile qu'à un exercice
galant dont les prémices et les conclusions n'avaient pas été
à la hauteur du plaisir ressenti.

    Poitevin passait
et repassait, les bras chargés d'argenterie et de bouteilles.
Renseignement pris, tout cela était destiné à
garnir la table qui avait été dressée, ce
soir-là, dans la bibliothèque. Nicolas demanda de l'eau
chaude et, toujours fidèle aux préceptes hygiénistes
de son parrain, se livra à une ablution soignée avant
de se changer. Quand il entra dans le salon, salué par les
bonds de Cyrus, trois voix s'exclamèrent à sa vue.

    â€“ Voilà
le retour de l'enfant prodigue ! fit M. de Noblecourt, sur pied et,
coiffé d'une magnifique perruque Régence. La faim l'a
chassé des rues !

    Nicolas rougit à
cette allusion biblique. Il lui faudrait apprendre à négliger
les plaisanteries innocentes, ceux qui les énonçaient
ignorant les échos qu'elles pouvaient éveiller en lui.

    â€“ Mon cher
Nicolas, vous arrivez à point nommé. Deux de nos amis
m'ont fait ce soir l'honneur de me demander à souper.

    Le verre déjà
à la main, M. de La Borde et le docteur Semacgus souriaient.
Ils ne s'étaient jamais rencontrés et venaient de faire
connaissance. La compagnie se congratula. Nicolas s'assit. Le feu
crépitait joyeusement dans la cheminée ; il se laissa
aller au bien-être et à la chaleur de l'amitié.

    â€“ Nicolas,
reprit M. de Noblecourt, nous sommes en famille, l'huis est bien
clos. Contez-nous par le menu la suite de vos recherches.

    Le jeune homme
reprit les événements depuis la soirée à
l'Opéra, en particulier pour l'édification de La Borde.
Travailler sous M. de Sartine imposait de savoir exposer les faits de
manière claire et rapide, sans s'appesantir ni lasser. Le
lieutenant général ne l'aurait pas toléré,
lui dont la parole était toujours un modèle de
précision. Il poursuivit son récit en taisant toutefois
certains détails qu'il se réservait de vérifier
avant d'en faire état. La discrétion de ses amis ne
faisait aucun doute, mais Nicolas ne disait jamais tout, même
avec Bourdeau. Il rougit bien un peu quand il en arriva à
l'épisode de la belle Bichelière. Il pensa soudain
qu'il ne savait même pas son prénom, et aussi qu'il lui
faudrait chercher à savoir qui était ce nommé
Gilles, qui s'était introduit aussi désagréablement
dans ses ébats. Le plus surpris par ce récit fut le
premier valet de chambre du roi, qui n'avait assisté qu'au
départ précipité de Nicolas, lors de la
représentation de l'Opéra.

    â€“ Je
m'explique, dit-il, que M. de Saint-Florentin ait reçu hier
toute affaire cessante le lieutenant général de police.
Ainsi, de cette audience, il est bien résulté l'ordre
d'abandonner l'enquête, le corps vous a été
retiré. J'entends cependant que votre diagnostic était
établi.

    â€“ Depuis
hier, dit Nicolas, j'ai longuement réfléchi à
notre problème. Cette mort atroce par ingestion de plomb
fondu... On trouve du plomb partout. Reste à trouver ceux qui
l'utilisent.

    â€“ Les
imprimeurs, dit La Borde.

    â€“ Tout
juste, mais aussi les armuriers, ajouta Semacgus.

    â€“ Les
couvreurs, dit Nicolas.

    â€“ Et les
fabricants de cercueils.

    M. de Noblecourt
leva un doigt doctoral.

    â€“ Mes amis,
mes amis, je me souviens d'une soirée chez feu le duc de
Saint-Simon. Il recevait peu et chichement, étant un peu
pleurard de ses deniers, mais d'une si exacte politesse ! Un soir,
dans les années trente, il donnait à souper par
extraordinaire. J'étais là, l'écoutant. Un de
ses amis de passage à Paris, le duc de Liria, ambassadeur
d'Espagne en Moscovie... C'était, il faut le dire...

    Une longue
digression s'annonçait, qui retarderait d'autant la conclusion
utile du discours.

    â€“ C'était
le fils du duc de Berwick, lui-même fils de Jacques II Stuart.
Je vois Nicolas qui s'impatiente. Ah! jeunesse. Bref

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