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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Qu'avait-elle à
dire sur sa liaison avec Lionel de Ruissec ? Pourquoi l'avait-elle
quitté ? Ces événements avaient-ils un lien avec
l'assassinat du jeune officier et celui de sa mère ? Il y
avait beaucoup d'inconnues dans cette trame qui mêlait les deux
mondes du théâtre et de la Cour.

    Nicolas réfléchit
longuement et se retrouva soudain dans l'agitation des boulevards.
Les feuilles des arbres, plantés sur trois ou quatre rangées,
achevaient de tomber. leur chute accélérée par
les gelées nocturnes. Sur la partie centrale du cours, une
foule d'équipages et de cavaliers défilait à
petit trot. Un peu partout, des tréteaux permettaient à
des bonimenteurs et des bateleurs de haranguer la foule des curieux.
Des femmes aux tenues voyantes circulaient d'un pas lent. Il fut
dévisagé crûment par des visages maquillés
à l'excès. Il était toujours frappé par
le mélange encore sensible de la ville et d'endroits presque
campagnards. Celui-ci juxtaposait ainsi les distractions populaires
et quelques hôtels particuliers habités par la
bourgeoisie ou la noblesse.

    Il repéra
facilement la maison de la comédienne. A l'entrée, il
fut arrêté par une maritorne enveloppée d'un
vaste caraco en peau de lapin qui, trônant sur un tabouret
paillé, proposait aux passants de petits pantins articulés
et tout un éventaire de peignes, aiguilles, épingles et
cartes à jouer. Elle étendit une jambe épaisse
et entourée de bandages pour lui barrer la route. Nicolas
avait l'habitude de cette espèce de cerbère. Il ne
voulait pas donner d'éveil en excipant de ses fonctions. Il
savait qu'une politesse humble, un sourire discret et, surtout,
quelques liards permettaient de se la concilier et d'apaiser bien des
méfiances. C'étaient là les règles
d'étiquette obligées de la politesse parisienne. La
portière lui décocha un sourire salace qui découvrit
des dents gâtées, une langue grisâtre et une
œillade qui le fit rougir. « La Bichelière »
était au logis.

    A l'entresol, il
souleva le marteau d'une porte fraîchement revernie. Elle
laissa passer aussitôt le bout du visage en lame de couteau
d'une soubrette visiblement habituée à recevoir les
visiteurs sans leur poser de questions. Elle lui jeta toutefois un
regard inquisiteur qui dut se révéler satisfaisant.
Après l'avoir débarrassé de son tricorne et de
son manteau, elle le fit entrer dans un petit salon où
dominait encore une forte odeur de peinture. Le logis semblait
récemment installé et rafraîchi. Il songea aux
rumeurs sur les ennuis d'argent du vicomte, réputé
dispendieux et ruiné au jeu. Ce n'était pas seulement
le pharaon ou le biribi qui dérangeaient les affaires du jeune
homme. L'avide Bichelière participait pour une bonne part au
délabrement de sa fortune. Tout ce luxe déployé
n'était d'ailleurs pas du meilleur goût, et évoquait
ce que Nicolas avait pu observer dans des lieux qui, eux, ne
dissimulaient pas leur destination galante. On vint le chercher pour
le conduire dans la chambre de la comédienne.

    Les croisées
étaient encore fermées et seul un feu mourant jetait
des lueurs incertaines dans une pièce dont le caractère
oppressant le saisit aussitôt. Nicolas n'appréciait que
les lieux aérés ; le resserrement et l'enfermement
l'angoissaient toujours.

    Il distingua sur
la droite une alcôve à baldaquin. La couronne de cet
édifice était ornée de plumes blanches. N'eût
été le ton pastel des tissus, le meuble monstrueux
aurait fait songer à quelque fantastique catafalque. Sur le
côté gauche de la chambre, un paravent à motifs
fleuris cachait une partie de la pièce. Il remarqua le haut
d'une psyché. Au fond de la chambre, à droite de la
fenêtre, une ottomane couverte de coussins accumulés et
de draperies en vrac faisait face à un pouf d'où un
chat gris fixait Nicolas de ses yeux verts. D'épais tapis
étouffaient les sons. Aux murs tendus de papier où
s'alignaient en quinconce vases et talapoins, quelques gravures
étaient accrochées. Tout cela accentuait l'impression
d'étouffement. La soubrette s'était retirée avec
une grimace sur son visage de musaraigne qui se voulait sans doute un
sourire. Une voix s'éleva enfin

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