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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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de cette recrue-là ? Si quelquefois je puis offrir l’extérieur de la défiance vis-à-vis de ceux qui t’approchent, c’est que tu ne te méfies pas toujours assez, bienveillant de prime abord que tu es.
    Chez Nicolas, la satisfaction de voir la pente prise par cette affaire le disputait au désagrément d’avoir été traversé dans son innocente manœuvre.
    – Ma prudence, dit-il, en prenant Bourdeau par les épaules, est à la mesure de l’amitié qui nous lie. De fait, rien ne me déplaît plus que de te savoir contrarié et je comprends plus que tu ne l’imagines les raisons qui inspirent, je ne l’ai que trop souvent vérifié, ta sollicitude à mon égard. Gremillon complétera le service. Nous avons constaté ces derniers jours la faiblesse de notre dispositif. Et encore nous avions Naganda ! Je te le confie.
    Ils se quittèrent après avoir minutieusement mis au point les dispositifs de surveillance qui dès l’aube environneraient les lieux décisifs de l’enquête en cours. Nicolas eut l’espoir de voir les choses bouger du côté de Rabouine dont on pouvait espérer qu’il reviendrait de Champagne en ayant recueilli de nouveaux éléments. Enfin il s’inquiéta de l’amant de la Lofaque. Il souhaitait en effet l’interroger sur Tiburce et sa vie cachée.

    Dans le fiacre le ramenant rue Montmartre, Nicolas repassait dans sa tête les événements de la journée. Concernant Gremillon, il se rendit compte soudain que jamais auparavant il n’avait prêté attention à quelqu’un de plus jeune que lui et souhaité user de son entregent pour faciliter une carrière ou favoriser son ambition. Lui-même avait bénéficié de cette bienveillance, que ce soit auprès de Sartine, de Le Noir, du duc de la Vrillière. Était-ce encore un signe parmi d’autres qu’il abordait une nouvelle étape de sa vie ? La différence d’âge avec le sergent devait être la même qu’entre lui et les deux lieutenants généraux de police sous l’autorité desquels il avait servi. Sartine n’avait que onze ans de plus que lui et Le Noir huit.
    Il y avait sans doute un moment où l’esprit et le cœur étaient soudain moins pleins des seules considérations personnelles. Les yeux s’ouvraient alors plus perspicaces sur ceux qui vous entouraient et entrevoyaient des situations qui, auparavant, fussent demeurées insoupçonnées. Alors l’ambition satisfaite faisait céder un égoïsme jusqu’alors sourd et aveugle et favorisait une bienveillance naturelle disposée sans aucun calcul à se déployer. Cette découverte de lui-même émut le commissaire qu’elle attrista et consola à la fois. Il exhala un long soupir et évoqua le visage d’Aimée. Comme il eût voulu la tenir dans ses bras et s’enivrer de son parfum de jasmin… Elle aussi demeurait le symbole ambigu d’un état qui soulevait de plus en plus souvent son angoisse : celle d’une jeunesse révolue et d’une maturité qui s’ancrait trop vite.
    Allons ! songea-t-il, foin de ces vieilles lanternes, je ne les connais que trop bien, il me les faut éteindre. Me voilà retombant dans les travers de jadis, quand chaque événement suscitait en moi débats et cas de conscience. Quoi ! Comment quelques cheveux gris, une quarantaine sonnante et une aménité dont j’ai au fond toujours fait preuve, peuvent-ils me conduire à d’aussi tristes pensées ? Il s’accusa aussitôt de s’écouter avec trop d’indulgence. Puis lui revinrent à l’esprit l’entretien avec Madame Louise, la mort à laquelle il avait échappé et le prochain départ de Louis. Il soupira derechef. L’enquête était là qui nécessitait son entière énergie. Il aurait bien loisir après sa conclusion de bayer à ces corneilles-là !
    Rue Montmartre Catherine l’accueillit, encore ébahie de l’appétit dévorant de Naganda. Une miche de pain et un lapereau en gelée avaient à peine calmé une invraisemblable fringale. Pour lors, il
dormait ainsi que Noblecourt qui, dans le cas contraire, eût frappé le plancher d’une canne impatiente. Mouchette s’étirait sur le carrelage frais en se pourléchant d’un air coupable. Qu’avait-elle dérobé ? Il se coucha aussitôt, mais ne trouva le sommeil qu’aux premières lueurs de l’aube. Catherine monta le réveiller de ce bref mais lourd assoupissement.

    Dimanche 11 juin 1780
    Dans l’office Catherine fouettait le chocolat fumant et Naganda, parfaitement remis de son épreuve, dévorait une

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