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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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pli, dont tout semblait prouver qu’il avait été déposé sur la tablette, pouvait-il réapparaître dans le tiroir secret d’un cabinet ? Son contenu offrirait-il un début d’explication ? Il appela Bourdeau, l’entraîna vers la croisée, décacheta le pli et se mit à le lire à voix basse :
    Moi, Edme, Charles, Louis, Henri, de Chamberlin, contrôleur général de la Marine, demeurant rue des Mathurins en l’hôtel de Ravillois, désigne comme exécuteur testamentaire de mon dernier testament, signé et scellé ce jour, que conserve Maître Gondrillard, mon notaire, place Dauphine à Paris, Sieur André Marie Patay, commis à la trésorerie générale de la Marine, demeurant au coin de la rue Plâtrière. Ce codicille complète la teneur du susdit testament établissant mes volontés dernières remis au dit notaire le mardi sixième de juin mille sept cent quatre-vingt.
    Une signature, tremblée comme l’écriture de la notule, suivait.
    – Voilà un papier que l’intéressé a curieusement antidaté. Et c’est aujourd’hui qu’il devait recevoir son notaire.
    Nicolas tambourinait des doigts sur la vitre.
    – Ou alors…
    – Alors ?
    – Tout indique qu’il y avait deux plis. Or nous ignorons ce que le plus petit contenait. Le grand était vraisemblablement le testament : mais l’autre ?
    Bourdeau secoua la tête.
    – Imaginons que M. de Chamberlin ait voulu prendre des précautions.
    – Lesquelles ? Et pourquoi ? Je t’écoute.
    – Il décide de modifier son testament. Que savons-nous de ses sentiments ? Quelle en est la cause ? Craint-il pour sa sûreté ? Soupçonne-t-il de méchants desseins contre lui ? Il est malade. Pressent-il une fin prochaine ? Il rédige alors ses nouvelles volontés, s’abstenant d’y faire figurer le nom de l’exécuteur testamentaire. Si celui-ci disparaît, l’autre pièce fera preuve qu’un second testament existe. Ainsi par cette tentative de sauvegarde il s’assure que, dans le cas où ses dernières volontés ne seraient pas connues, du moins saura-t-on qu’elles ont été soustraites.
    – Compliment pour l’imagination ! Et comment aurait-on découvert le petit pli ?
    – Tu l’as bien trouvé, toi !
    – C’est le fait de mon expérience, dit Nicolas riant, qui est peu commune en la matière. Une bien piètre assurance ! Comment M. de Chamberlin était-il assuré que le papier resurgirait et, j’ajouterai, dans de bonnes mains ? Il y a là quelque chose qui nous échappe.
    – Peut-être a-t-il dissimulé un autre exemplaire du testament ? La logique de tout cela conduirait à le penser.
    – Il y a des occurrences particulières dans lesquelles la logique est loin de diriger nos actions. Il éprouvait sans doute des difficultés à écrire. Établir une seconde version d’une pièce d’autant plus longue que les legs, on peut le supposer, sont nombreux, est une tâche ardue dans ces conditions.
    – Certes ! Les pauvres font plus court, eux qui n’ont rien à léguer !
    Nicolas paraissait à nouveau plongé dans ses réflexions.
    – Quelle conjoncture et quelles circonstances ? Elles sont à l’événement comme deux cercles concentriques. La conjoncture emprisonne les circonstances. La conjoncture influe sur l’événement. Elle incite à l’action sur l’événement, au choix, à la décision… Les deux cercles se recoupent, agissant l’un sur l’autre…
    – Hum, dit Bourdeau goguenard, M. le marquis de Ranreuil me semble noblecouriser .
    – Point du tout ! Apprends que dans les actions humaines ressort toujours une logique naturelle dont il est furieusement risqué de s’éloigner. Il faut remettre en place cette logique-là. Je crois que tu l’as approchée, mais trop d’éléments nous font encore défaut.
    La ruse la mieux ourdie
    Peut nuire à son auteur.
    Nicolas maintenant considérait en soupirant les deux bibliothèques symétriques.
    – Je crois, Pierre, qu’un travail fastidieux nous attend. Nous devons examiner tous ces volumes un par un. Tu prends celle de gauche, je me charge de celle de droite.
    – Nous n’aurons garde d’y manquer, monseigneur !
    Chaque volume fut posément saisi, ouvert, examiné et replacé avec soin. Nicolas, tout comme Bourdeau, vénérait les livres et rien n’aurait pu le conduire à les manier brutalement. Leur travail prit une bonne heure, sans résultat.
    – Tu parais intrigué, dit Bourdeau, frappé de l’attitude de son ami,

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