Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
reine vous resterez. C’est tout. Si mon frère cherche au pied des autels la paix qu’il n’a pas trouvée sur le trône, s’il me désigne pour lui garder intact le patrimoine de puissance qui est son bien tant qu’il est vivant, je vous jure que mon premier acte sera de vous proclamer régente…
    – Générosité ! Générosité ! prononça la reine gravement. Vous êtes bien tel que je vous ai toujours jugé…
    À ce moment, derrière la porte fermée, un murmure de voix, des bruits de pas étouffés. Le regard d’Isabeau étincela. Et soudain, Louis d’Orléans, pour la deuxième fois, éprouva un serrement de cœur atroce. Il eut la sensation vague qu’il se jouait autour de lui une hideuse comédie.
    Les bruits s’éteignirent.
    Le duc jeta autour de lui un long regard de soupçon.
    – Madame, dit-il enfin avec précipitation, toute parole de reconnaissance en ce moment serait inutile… mes actes seuls, quand il en sera temps, vous prouveront cette reconnaissance.
    – Oh ! songea Isabeau avec une fureur de rage et de désespoir, il va fuir !…
    Bois-Redon n’arrivait pas !… Le guet-apens n’était pas prêt !… L’homme sur qui Jean sans Peur avait compté avait donc refusé !…
    Dans ces quelques secondes, pendant lesquelles parla le duc d’Orléans, des pensées de drame se heurtèrent, dans l’esprit de la reine. Elle se vit poignardant elle-même le frère du roi, puisque Bourgogne en était incapable. Et, par contre-choc de fureur, ce fut surtout Jean sans Peur qu’elle couvrit de malédictions. Le duc d’Orléans disait :
    – Permettez-moi donc de me retirer. Il sera plus séant que votre capitaine des gardes me trouve en mon hôtel… si mon frère me fait appeler. Je serai debout toute la nuit pour attendre…
    En parlant ainsi, le duc reculait vers la porte. L’aiguë et terrible sensation qu’il était en danger de mort devenait d’une effroyable précision. À tel point qu’il porta soudain la main à sa dague. Il s’inclina profondément, et, d’un ton bref :
    – Adieu, madame. Ce que j’ai dit se fera, je le jure.
    Il se redressa et demeura figé sur place.
    Dans son esprit, la terreur s’évanouit, pareille à un sinistre crépuscule, et à l’horizon opposé se leva l’astre rutilant de la passion qui le submergea de lumière.
    – Quoi ? Que se passait-il ?
    Un simple geste d’Isabeau. Elle avait ouvert le manteau royal. Et ce ne fut plus le palladium, synthèse de royauté. Ce fut la somptueuse enveloppe, l’écume d’azur d’où Vénus émerge en sa splendeur blanche et rose. Sous son manteau, elle apparut ce qu’elle était : un chef-d’œuvre de la chair palpitante, intensément vivante. Car elle n’avait pour voile que le manteau royal.
    La voix sèche, rauque, les lèvres brûlantes, l’œil égaré, elle prononça :
    – Vous ne me demandez même pas « pourquoi » c’est vous que j’ai choisi pour régner sur le royaume de France et sur moi !
    Le duc d’Orléans fléchit les genoux. La tête lui tourna. Il tendit ses bras vers l’idole et râla :
    – Puissances du ciel ! Serait-il donc vrai que vous m’aimez !…
    – Ah ! rugit Isabeau au fond d’elle-même, te voilà donc, honnête sacripant ! Cette femme que tu convoites de toute ton âme, que tu veux de tout ton sang, c’est la femme de ton frère ! Hommes ! ô hommes ! Et vous hurlez votre vertu ! Et qu’est-ce que l’assassinat de ce voleur auprès du vol qu’il médite !…
    Et elle ouvrit ses bras, fouettée peut-être par sa propre frénésie, cherchant peut-être dans le baiser de cet amant qu’elle allait tuer quelque fièvre inconnue encore d’elle dans sa longue et ardente recherche de l’impossible.
    Les enivrantes minutes s’ajoutèrent l’une à l’autre dans le silence du temple.
    L’heure coula sans que Louis d’Orléans la sentît couler. Les heures, peut-être…
    Qui sait si à ce moment Isabeau n’était pas arrivée à se persuader à soi-même qu’elle aimait Louis d’Orléans ? Qui sait pourquoi son regard se troubla, pourquoi elle pâlit, pourquoi sa chair frissonna, à cette minute d’indicible horreur où la jolie suivante, ayant gratté à la porte et étant entrée, annonça l’arrivée de Bois-Redon ?
    Sur ses lèvres, avec un dernier baiser, l’amant déposa son serment d’éternel amour.
    Bois-Redon entra.
    La reine, à l’instant, fut debout ; elle eut un mouvement nerveux vers son capitaine

Weitere Kostenlose Bücher