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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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plus que l’immense domaine, formidable et sombre synthèse du monde féodal. Et il se dit que lui, l’homme de la force, lui le Féodal, allait devenir le maître de ce domaine, maître de Paris, de la France, du monde ! L’orgueil le transfigura. Il se cria :
    – L’obstacle est abattu. Orléans est mort ! Isabeau est à moi ! Berry ne compte pas. Un souffle détruira le roi Charles. Oui, oui, je sens que mon heure est venue, que rien, maintenant, ne se dresse entre mon rêve et moi, car Orléans est mort, et maintenant, je suis le plus proche héritier de la couronne de France…
    À ce moment même, une troupe entra dans l’Hôtel Saint-Pol.
    Jean sans Peur s’immobilisa, les nerfs tendus, les poings crispés…
    Ces cavaliers qui entraient, et mettaient pied à terre à vingt pas des cavaliers bourguignons, il les reconnut : pêle-mêle, c’étaient les gentilshommes du duc d’Orléans et du comte d’Armagnac dont la fille était fiancée à Charles d’Orléans, le fils du mort. Tous portaient une écharpe noire. Quand ils eurent mis pied à terre, d’une seule voix qui tonna, roula, éveilla de longs échos lugubres, ils crièrent :
    – Vengeance !… Vengeance !… Mort à l’assassin !…
    Jean sans Peur haleta, se courba, recula jusque dans le vestibule où jadis, jeune, emporté par l’amour et l’ambition, il était venu à l’appel d’Isabeau de Bavière. Il grelotta :
    – L’assassin !…
    Presque aussitôt, il se redressa, flamboyant d’orgueil, et d’une voix rude, entre les dents :
    – Le meurtrier ! Le vainqueur ! Le dompteur !
    Mais, à nouveau, les inquiétudes, larves rapides, envahirent son cerveau surchauffé ; il se pencha pour mieux voir… Le groupe des partisans d’Orléans s’ouvrait : d’une litière descendit une femme en blanc et noir, portant les insignes du grand deuil, brisée, chancelante, pâle comme la douleur…
    C’était Valentine, c’était la duchesse d’Orléans, c’était la veuve !…
    Un homme lui offrit la main, et Jean sans Peur le reconnut aussitôt. Jean sans Peur grinça des dents, Jean sans Peur entrevit que la mort du duc d’Orléans ne lui livrait pas la puissance, et qu’en de rudes batailles, des flots de sang couleraient encore avant qu’il ne pût saisir la couronne.
    Cet homme qui, donnant la main à Valentine, se dirigeait vers le palais du roi, c’était Bernard VII, comte d’Armagnac, seigneur du Fezensac et du Fesensaguet, du Pardiac, de la Gaure, de la Lomagne, du Charolais, un terrible guerrier, dur aux autres, dur à lui-même, réputé pour brave comme l’épée, implacable comme la dague de miséricorde qui achève le blessé…
    De loin, le groupe des cavaliers bourguignons regardaient cela.
    Les cavaliers d’Orléans et d’Armagnac se tournèrent vers eux.
    Un silence effrayant pesa sur l’Hôtel Saint-Pol. Les regards qu’échangèrent les deux troupes se heurtèrent en des flamboiements de haine et de défi : La grande guerre civile des Bourguignons et des Armagnacs commençait.
    Jean sans Peur s’élança vers le majestueux escalier qui conduisait à la grande galerie, à ce moment même, levant les yeux, il vit là-haut, au bord de l’escalier, Isabeau qui l’attendait, comme jadis.
    Et comme jadis, le palais de la reine semblait vide.
    Rapidement, Jean sans Peur fut près d’elle et, à voix basse, commença :
    – Cette nuit, Louis d’Orléans…
    – Je sais ! interrompit la reine. Bois-Redon a tout vu. Il a vu tomber Orléans. Il est venu me faire le récit de l’affaire. Jean de Bourgogne, vous voici donc sur le chemin qui mène au trône…
    Elle parlait d’une voix grave. Jean sans Peur, d’un regard en dessous, l’étudia, – et il vit qu’elle l’admirait. Il sentit qu’elle était à lui !
    Il en arrivait à oublier Odette de Champdivers, à oublier même cette ambition de tempête qui le poussait dans la vie, épave de crime, sur un océan rouge.
    Brusquement, il ouvrit les bras et la saisit. Elle se laissa faire, s’abandonna, et peut-être en cette minute, l’amour se réveilla-t-il en elle, impérieux, sincère dans son impétuosité.
    Quelques instants, ils demeurèrent enlacés, les lèvres unies. Dans la cour d’honneur, au loin, une rafale passa :
    – Vengeance ! Vengeance !…
    – Vous êtes roi ! murmura Isabeau vivante de passion.
    – Vous serez l’Impératrice ! gronda Jean sans Peur.
    – Vengeance ! mugit la rafale. Mort à

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