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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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qui éclairaient une rue étroite, véritable boyau où trois chevaux n’eussent pu passer de front. Ces lumières venaient des devantures de plusieurs cabarets qui, malgré les ordonnances, malgré le guet, demeuraient ouverts la nuit jusqu’à une heure assez avancée. Cette foule de gens, qui allaient, venaient, se croisaient, ricanaient, échangeaient de terribles plaisanteries, était composée en majeure partie de gens d’armes en casaque de buffle, et de gentilshommes soigneusement masqués.
    Au milieu de ces gens évoluaient, seules, ou par groupes de deux ou trois, des jeunes femmes, presque toutes vraiment jolies, fardées avec un art sûr, quelques-unes l’air las et indolent, d’autres rieuses, beaucoup richement vêtues de soie et de fourrures, toutes portant les mêmes insignes qui leur étaient imposés par l’ordonnance de 1367 : le collet renversé, les plumes de geai à leurs cheveux, la ceinture d’argent à la taille.
    Cette rue s’appelait le Val d’Amour.
    La plupart de ces marchandes de sourires qui hantaient ce lieu célèbre étaient plus modestes, et de plus bienséante tenue que les malheureuses du Champ-Flory, les mégères de la rue Coupe-Gueule, ou les tristes filles de joie de la rue Tyron et de la rue Baille-Hoé.
    Le chevalier de Passavant, tout à coup, fut interpellé par une fille pâle, aux yeux noirs, profonds, qui sourit tristement, et lui dit :
    – Bonsoir, beau capitaine. Voulez-vous faire une bonne œuvre ?…
    – Voyons ? sourit Passavant. Je ne demande pas mieux.
    – Oui. J’ai vu cela tout de suite. Eh bien, il s’agit tout simplement de me faire souper. Figurez-vous, mon gentilhomme, que depuis hier, je n’ai mangé qu’un morceau de pain.
    Passavant fouilla dans son escarcelle, en tira un écu d’or, et le tendit, en disant doucement :
    – Excusez-moi de ne pas souper avec vous. De vrai, je n’ai pas faim. Mais laissez-moi vous… offrir…
    Il ne savait trop que dire. La fille à ceinture d’argent prit la pièce, la regarda et s’écria :
    – Mais c’est un écu d’or !… Vraiment… je…
    Elle tremblait. L’aubaine lui semblait incroyable. Déjà Passavant esquissait un geste d’adieu.
    – Ohé ! cria à ce moment une voix. Ohé ! d’Ocquetonville, voici Ermine Valencienne qui te veut trahir. Arrive un peu voir !
    – C’est bon, Guillaume de Scas ! répondit une autre voix rude et avinée. On y va ! À moi, Courteheuse ! À moi, de Guines !
    Trois gentilshommes sortaient en titubant d’un cabaret et rejoignaient celui qui avait poussé le cri d’alarme. L’un d’eux, celui qu’on avait appelé d’Ocquetonville, s’approcha en ricanant et saisit le bras de la fille pâle aux yeux noirs.
    – Laissez-moi ! dit Ermine Valencienne, d’une voix de terreur. Je vous déteste ! Je vous hais ! Laissez-moi !
    – Tu viendras boire et manger avec moi ! gronda d’Ocquetonville.
    – Si elle le veut bien ! dit paisiblement Passavant.
    – Oh ! prenez garde, mon gentilhomme, trembla Ermine à voix basse. Ces gens appartiennent à Jean sans Peur, ils sont maîtres de tout. Le chevalier du guet tremble devant eux… ainsi !…
    Ces gens, en effet, arboraient la croix rouge de Saint-André. C’était le fameux quatuor qu’on appelait les molosses de Jean sans Peur. Ils terrorisaient Paris. D’Ocquetonville, de Courteheuse, de Guines, de Scas, les mêmes dont l’Histoire a conservé les noms, et qui bientôt… mais on les verra à l’œuvre.
    D’Ocquetonville considéra un instant le chevalier de Passavant par-dessus son épaule et ricana :
    – Je vous engage à passer votre chemin.
    – Mon chemin est ici, je reste donc, et vous engage, moi, à lâcher cette fille… Non ?… vous ne voulez pas ?… Eh bien !…
    En même temps, la main de Passavant, d’un coup sec et dédaigneux, frappa la main qui serrait le bras d’Ermine Valencienne. Il y eut quatre hurlements de fureur.
    – Damnation ! vociféra de Courteheuse. – Misérable truand ! gronda de Scas. – Suppôt d’Écorcheurs ! grinça de Guines. – Ventre-Dieu ! tonna d’Ocquetonville, je veux savoir la distance qu’il y a de ta peau à ton cœur et la mesurer avec ceci !
    À l’instant, il dégaina… Les lourdes épées de ses trois compagnons sortirent des fourreaux. Et les quatre molosses se ruèrent sur Passavant. Le chevalier se trouva soudain la rapière au poing, parant, ripostant, attaquant. Il y eut un furieux

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