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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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étapes s’allongèrent en raison inverse de l’état de sa fortune. Il en résulta que le retour ne dura que dix jours. Et le résultat final de toute cette arithmétique fut que Passavant reparut sous les murs de Paris juste un mois après avoir franchi la porte Saint-Denis par où il était sorti, c’est-à-dire le 18 de novembre 1407, date que nous avons à retenir, car elle est historique à plus d’un titre.
    C’est à ce moment que nous reprendrons contact avec le chevalier.
    C’est pendant cette absence de notre jeune ami que se prépara l’événement historique, la tragédie qui décida du sort de Hardy de Passavant et d’autres personnages. Le lendemain matin de cette algarade du Val d’Amour, c’est-à-dire le matin où le chevalier sortit de Paris pour se lancer en sa randonnée, Ocquetonville, Scas, Courteheuse et Guines se rendirent à l’hôtel de Bourgogne, situé entre la rue Mauconseil et la rue Montorgueil. Ancien hôtel d’Artois, il avait été apporté en dot par Marguerite de Flandre comtesse d’Artois à Philippe, père de Jean sans Peur. Devenu duc de Bourgogne, ce dernier en fit son habitation favorite à chacun de ses séjours à Paris.
    C’était un logis de redoutable aspect.
    C’était l’antre de Jean sans Peur.
    Lorsque le frère du roi, Louis d’Orléans, passait par hasard près de l’hôtel, on le voyait pâlir, et quelquefois il murmurait :
    – C’est de là que sortira la foudre qui doit me tuer.
    Jean sans Peur reçut tout de suite ses quatre fidèles, et voyant leurs visages balafrés d’une raie rouge, il fronça les sourcils. Les quatre grinçaient des dents, trépignaient de fureur, juraient par toutes les cornes et tous les nombrils de Satan ou du pape, indifféremment. Enfin, d’Ocquetonville, chef en quelque sorte du quatuor de molosses, raconta la chose.
    Jean sans Peur écouta, les lèvres serrées, l’œil mauvais.
    Quand il sut le rôle qu’avait joué le duc d’Orléans dans l’affaire, il pâlit :
    – C’en est trop ! gronda-t-il. Je ne supporterai pas cette nouvelle insulte.
    – Pardieu ! grogna Scas. Il a très bien reconnu à qui nous étions, monseigneur !
    – Il a ricané en voyant nos croix de Saint-André, dit Guines.
    – Enfer ! jura Courteheuse, l’insigne de Bourgogne n’est guère respecté !
    – C’est bien. La paix ! interrompit Jean sans Peur dans un grondement sourd. Entre Orléans et Bourgogne, c’est une guerre à mort. L’un de nous deux est de trop.
    Les joues tremblantes de fureur concentrée, il alla ouvrir une porte qui donnait sur une petite salle, et d’une voix qui monta crescendo, plus rude, plus violente, à chaque appel :
    – « Bruscaille !… » « BRAGAILLE ! ! » BRANCAILLON ! ! ! Ils entrèrent l’un derrière l’autre, Bruscaille petit, mince, maigre – Bragaille, taille et corpulence moyennes – Brancaillon énorme. Tous trois vous avaient de ces tournures et de ces physionomies que le bourgeois n’aimait pas, à la brune, rencontrer au détour de quelque ruelle. Ils se drapaient en de vastes manteaux et portaient en travers des jambes des rapières immenses. Jean sans Peur, un jour, il y avait deux ou trois ans de cela, les avait ramassés affamés, dépenaillés, criant misère ; il les avait ramassés disons-nous, à la suite d’une bagarre où il les avait vus à l’œuvre ; et sans doute il avait jugé qu’ils pouvaient lui rendre des services. Enrôlés parmi les gens du duc de Bourgogne, ils étaient employés aux besognes qui exigent bon pied, bon œil, et aussi peu de scrupule que possible. Des services, oui, ils en avaient déjà rendu plus d’un. Le maître les tenait en haute estime.
    Ils entrèrent donc, multipliant les salutations, l’un derrière l’autre, et, par une savante manœuvre, s’arrêtèrent de front, par rang de taille, inclinés devant Jean sans Peur.
    – C’est bien ! dit le maître.
    Ils se redressèrent, automatiques, les talons joints, la main appuyée à la garde de la rapière, et l’un à l’autre se coulèrent un joyeux regard qui voulait dire : Il va y avoir de la besogne, des coups à donner, des écus à recevoir.
    Et ils attendirent l’ordre.
    – C’est bien, répéta Jean sans Peur. Vous me plaisez. Vous êtes, mort-dieu, vous êtes trois bons vivants !
    À ces mots pourtant bien simples, les trois sautèrent, livides de terreur, jetèrent autour d’eux des yeux hagards, et finalement, tirant du

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