L'Iliade et l'Odyssée
recevrai le dernier la mort, en attendant que mon
corps soit livré aux chiens. »
Tout en parlant, le vieillard arrachait ses
cheveux blancs. Mais Hector restait inébranlable. Sa mère, de son
côté, le suppliait en pleurant, sans le persuader davantage. Il
était toujours là, son bouclier appuyé contre le mur, regardant
approcher le redoutable Achille.
« Mieux vaut, se disait-il, vider au plus
tôt notre querelle. Sachons à qui de nous Zeus entend donner la
gloire. »
Cependant Achille s’approchait, pareil au dieu
de la guerre, et ses armes brillaient comme du feu.
Hector frémit en le voyant si près. Il n’eut
plus le courage de rester où il était. Laissant derrière lui les
portes, il prit la fuite.
Achille s’élança derrière lui, comme un
épervier fond sur une colombe. Ils passèrent la guette et le
figuier, et prirent la grand-route ; enfin, ils arrivèrent aux
sources du Xanthe.
Et la course continua : devant, c’était
un brave qui fuyait, mais c’était un bien plus brave encore qui le
poursuivait. La lutte était acharnée, car la vie d’Hector en était
l’enjeu. Trois fois ils firent le tour de la ville. Tous les dieux
les contemplaient. Zeus se désolait pour Hector et aurait voulu le
sauver, mais Athéna s’y opposait absolument.
« Quoi ! s’écria-t-elle. Un simple
mortel, marqué depuis longtemps par le destin, tu voudrais le
soustraire à la mort ? »
C’était comme dans un rêve, quand deux hommes
se poursuivent : l’un ne peut pas se dérober à l’autre, ni
l’autre l’atteindre. Enfin, quand ils revinrent auprès des
fontaines pour la quatrième fois, Apollon, qui avait aidé Hector
dans sa fuite, l’abandonna. Et Athéna s’approcha de lui, sous les
traits d’un de ses frères, et lui offrit perfidement son aide.
« Frère, lui dit-elle, Achille te fait
rude violence en te poursuivant tout autour de la ville.
Allons ! arrêtons-nous et résistons sur place. »
Encouragé par ces paroles, Hector se tourna
vers Achille et lui dit :
« Je ne veux plus te fuir, Achille.
Combattons. Je t’aurai, ou tu m’auras. Mais d’abord, faisons une
promesse devant les dieux. Si Zeus m’accorde la victoire, je
rendrai ton corps aux Grecs, une fois que je l’aurai dépouillé de
ses armes. Promets-moi d’en faire autant. »
Achille jeta sur lui un regard furieux et
répondit : « Ne viens pas me parler d’accords. Il n’y a
pas de pacte loyal entre les lions et les hommes, ni entre les
loups et les agneaux. Entre toi et moi il ne peut y avoir que de la
haine. Rappelle à toi tout ton courage, car je vais te faire payer
tous les chagrins que tu m’as causés. »
Il dit, et lança sa longue pique. Mais Hector
s’accroupit : la pique passa au-dessus de lui, et vint se
ficher dans la terre. Athéna l’arracha et la rendit à Achille, sans
être vue d’Hector.
Hector brandit sa pique et la lança. Elle
atteignit le milieu du bouclier, mais rebondit à distance. Hector
s’irrita de voir que son trait était parti pour rien. Il appela
pour demander une seconde lance à son frère, mais celui-ci n’était
plus près de lui. Alors Hector comprit que les dieux l’avaient
trompé et que sa mort était proche.
« Eh bien ! je vais l’affronter
vaillamment, » se dit-il.
Alors, tirant son glaive, il s’élança sur
Achille, comme un aigle fond sur un agneau. Achille aussi bondit,
plein d’une ardeur sauvage, cherchant un point du corps que
l’armure laissait à découvert. Il le trouva sur le cou, près de la
clavicule, et c’est là qu’il plongea sa pique.
Hector tomba dans la poussière, et Achille
s’écria triomphant :
« Insensé, tu croyais peut-être, quand tu
dépouillais Patrocle, qu’il ne t’en coûterait rien. Mais un vengeur
beaucoup plus fort se tenait près des vaisseaux : moi, qui
viens de t’abattre. Maintenant, Patrocle recevra les honneurs
funèbres, tandis que tu seras dévoré par les chiens. »
Hector mourant lui dit encore :
« Songe, avant de faire cela, que les
dieux peuvent t’en tenir rancune. Car toi aussi, tu tomberas devant
les portes Scées, sous les coups de Pâris et d’Apollon. »
La mort coupa court à ses paroles, et son âme
s’en alla chez Hadès, pleurant sur son destin, quittant la force et
la jeunesse.
Achille alors dépouilla le mort de ses armes.
Les autres Grecs accoururent autour de lui, admirant sa taille et
sa beauté. Et chacun, en passant, lui portait un coup de
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