L'Iliade et l'Odyssée
lance, car
Hector était désormais inoffensif.
Achille se livra ensuite à une action infâme.
Il coupa les tendons des pieds d’Hector, et y passa des lanières de
cuir qu’il attacha à son char. Puis il monta sur le char et
s’élança dans la plaine, traînant le corps d’Hector derrière
lui : ses cheveux sombres se déployaient et sa tête jadis
charmante gisait dans la poussière.
Les Troyens avaient peine à empêcher Priam de
sortir des portes.
Cependant les sanglots, les gémissements
parvinrent jusqu’à la chambre où se tenait la femme d’Hector,
tissant un châle de pourpre sur lequel elle semait toutes sortes de
fleurs. La navette tomba de sa main, et elle sortit en courant de
la maison, comme une folle, suivie de deux servantes.
Dès qu’elle eut rejoint le mur et la foule,
elle s’arrêta, debout sur le rempart, et jeta les yeux de tous
côtés. Elle aperçut Hector traîné devant la ville. Alors une nuit
sombre enveloppa ses yeux, et elle tomba en arrière, pâmée.
Les Troyennes accoururent autour d’elle. Quand
elle put à nouveau parler, elle s’écria : « Hector, voici
que tu me laisses veuve dans le palais. Et voici notre fils
Astyanax orphelin. Qu’adviendra-t-il de lui ? La peine et les
chagrins vont être son partage. »
Ainsi parlait-elle en pleurant, et les femmes
gémissaient avec elle.
L’Iliade – Scène 14 : Le rachat
d’Hector
Achille continuait de pleurer son ami
Patrocle. Chaque jour à l’aube, après une nuit d’insomnie, il
attelait ses chevaux à son char. Trois fois de suite, il traînait
le corps d’Hector autour du tertre de Patrocle, puis le laissait
étendu, le front dans la poussière.
Apollon cependant préservait le corps de toute
dégradation, et beaucoup parmi les dieux prenaient Hector en pitié.
Seules Héra et Athéna ne voulaient pas pardonner à Troie et à la
famille de Priam, à cause du choix fatal que Pâris avait fait.
Mais quand vint le douzième jour, Apollon
demanda avec insistance qu’on fît quelque chose pour Hector.
Aussi, Zeus envoya-t-il un message à Achille,
par l’intermédiaire de sa mère Thétis : qu’il accepte la
rançon du cadavre, quand Priam la lui offrirait.
Entre temps, Zeus envoya Iris vers Priam.
Quand le roi entendit à son oreille la voix de la déesse, il
trembla de crainte. Mais il n’hésita pas. Il ordonna immédiatement
à ses fils d’équiper un chariot à mules, et d’attacher dessus une
corbeille. Il alla lui-même dans la chambre haute, en bois de
cèdre, qui contenait maints objets précieux.
Il prit dans ses coffres douze belles robes,
douze manteaux, autant de tapis, de châles et de tuniques. Il prit
dix lingots d’or, deux trépieds luisants, quatre chaudrons et une
coupe magnifique.
Puis il pressa ses fils de charger sur le
chariot l’immense rançon d’Hector.
À ce moment, la reine Hécube apporta du vin
dans une coupe d’or pour faire une libation à Zeus. En réponse,
Zeus envoya son aigle : l’oiseau, heureux présage, apparut sur
la droite.
Aussitôt Priam monta sur son char à chevaux et
le poussa dans la plaine. Devant lui, un guerrier troyen conduisait
le chariot à mules. Quand ils s’arrêtèrent pour faire boire mules
et chevaux dans le fleuve, Zeus envoya Hermès, sous les traits d’un
jeune prince : le dieu les conduisit, sans que personne les
aperçût, à la baraque d’Achille.
Puis Hermès s’en retourna vers l’Olympe,
tandis que Priam entrait dans la maison. Achille était assis avec
deux serviteurs.
Priam lui saisit les genoux et lui baisa les
mains – ces mains qui avaient tué tant de ses fils. Achille et ses
hommes se regardèrent, stupéfaits.
Priam se mit alors à supplier Achille. Il
rappela au héros le souvenir de son vieux père. Achille tout ému
écarta doucement le vieillard, puis les deux hommes éclatèrent en
sanglots. Priam, prostré aux pieds d’Achille, pleurait Hector.
Achille pleurait tantôt son père, et tantôt Patrocle.
Quand il eut bien pleuré, Achille prit le
vieillard par la main et le releva.
« Malheureux, dit-il, que de maux tu as
endurés ! Et quel courage tu as de venir ainsi, tout seul, au
camp des Grecs ! Console-toi : je vais te rendre ton
fils. »
Achille fit enlever du chariot l’immense
rançon d’Hector. Il ordonna aux servantes de laver le corps, de
l’oindre et de l’envelopper, en plus de la tunique, d’une belle
pièce de lin. Puis il retourna à sa baraque et dit
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