L'Iliade et l'Odyssée
compagnons.
Puis le sage Ulysse conseilla à ses hommes de
fuir d’un pied rapide. Mais eux, dans leur folie, ne l’écoutèrent
pas. Ils s’attardèrent sur le rivage à boire et à manger, jusqu’au
moment où arrivèrent les habitants des bourgades voisines. Et dans
la grande bataille qui s’ensuivit, plusieurs compagnons d’Ulysse
furent tués.
Les autres quittèrent ce rivage, le coeur tout
affligé. Ce n’était là pourtant que le début de leurs épreuves.
Zeus, l’Assembleur de nuées, déchaîna sur les
vaisseaux un furieux Vent du Nord, et il couvrit de nuages la terre
et la mer. Alors la nuit tomba du ciel. Les navires donnaient de la
bande et les voiles étaient déchirées par le vent.
Quand l’ouragan s’apaisa, ils n’étaient plus
bien loin d’Ithaque. Mais au moment où ils doublaient le cap Malée,
les flots, le courant et le vent entraînèrent les navires au delà
de Cythère.
Quand ils atteignirent de nouveau la terre,
après avoir été, neuf jours durant, emportés par les vents
funestes, ils étaient dans le pays des mangeurs de lotus. Ceux-ci
leur témoignèrent assez de bienveillance. Ils offrirent aux
compagnons d’Ulysse un peu de leur nourriture.
Mais, hélas, quiconque goûtait le fruit à la
douceur de miel ne songeait plus à son retour. Il voulait rester
là, parmi les mangeurs de lotus, à se gorger de ces fruits
savoureux.
Ulysse dut les ramener de force, tout en
larmes, à leurs vaisseaux. Et avant qu’aucun autre ait pu goûter au
lotus, il les fit asseoir à leurs bancs de rameurs, et les navires
fendirent la mer écumante.
L’Odyssée – Scène 2 : Dans l’antre
du Cyclope
Poursuivant leur route, le coeur toujours
affligé, Ulysse et ses compagnons arrivèrent au pays des Cyclopes,
géants à un seul oeil, brutes sans foi ni lois. S’en remettant aux
dieux, les Cyclopes ne faisaient ni plantation, ni labourage. Tout
poussait pour eux sans culture : blé, orge et vigne aux
lourdes grappes. Ils ne construisaient pas de vaisseaux pour
commercer par mer. Ils habitaient dans des antres creux, au sommet
des montagnes, et chacun faisait la loi à ses enfants et à ses
femmes, sans se soucier de personne d’autre.
Or, une île broussailleuse s’étendait non loin
du port. Elle ne nourrissait que des chèvres sauvages. Ce n’était
pourtant pas un endroit sans valeur : il y avait des prairies
bien arrosées, un sol riche, un port au sûr mouillage. Enfin, au
fond du port, une source d’eau claire jaillissait d’une caverne, et
des peupliers s’élevaient à l’entour.
C’est là qu’un dieu les conduisit, par une
nuit de brume. Personne n’avait aperçu l’île, ni vu les grandes
vagues qui roulaient contre la grève, avant que l’on échouât les
vaisseaux.
Les vaisseaux échoués, les hommes amenèrent
les voiles. Puis ils descendirent sur la grève où ils dormirent
jusqu’à l’aube.
Au matin, ils partirent en reconnaissance dans
l’île. Et les nymphes firent lever de leur gîte tant de chèvres
sauvages que les hommes, prenant leurs arcs et leurs piques, eurent
vite assez de gibier pour faire un bon repas. Ils festoyèrent donc
tout le jour, mangeant force viandes et buvant du bon vin.
Jetant les yeux sur la terre des Cyclopes, qui
était toute proche, ils apercevaient ses fumées ; ils
entendaient des voix, des bêlements. Aussi, après une seconde nuit
sur la grève, Ulysse décida de s’y rendre.
Ulysse assembla ses gens et leur dit :
« Restez ici pour le moment, vous autres, mes bons compagnons,
tandis que moi, avec mon vaisseau et mes camarades, je tâcherai de
savoir quels hommes se sont là. »
Puis il monta à bord avec ses camarades, et
bientôt ils frappaient de leurs rames la mer écumante. Arrivés à
cette contrée, ils virent, à la pointe extrême, près de la mer, une
haute caverne où étaient parqués des troupeaux de brebis et de
chèvres. Tout autour était un enclos fait de pierres et de troncs
de pins et de chênes. C’est là qu’habitait un géant monstrueux,
plus semblable à un pic boisé qu’à un homme mangeur de pain.
Ulysse ordonna à l’équipage de rester près du
vaisseau ; il ne prit avec lui que douze hommes d’élite. Ils
emportaient avec eux une outre de bon vin et un sac de provisions,
car Ulysse avait aussitôt pressenti qu’il rencontrerait un homme
très fort, sauvage sans foi ni lois.
Quand ils arrivèrent à la caverne, ils n’y
trouvèrent personne. Le Cyclope était
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