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L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
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coussin brodé, cependant que les duchesses, les princesses, les comtesses, toutes dans l’ordre de préséance, à commencer par sa propre belle-mère, défilent devant elle et lui et baisent leur main.
    Un souper est enfin servi, mais Élisabeth est trop épuisée et angoissée pour avaler quoi que ce soit. Le moment, si attendu et si redouté, approche où elle se trouvera seule avec son époux. Après le souper, sa mère, précédée par douze pages portant des candélabres d’or, la conduit à sa chambre. Aidée par la comtesse Esterhazy et par quatre femmes de chambre, la duchesse met sa fille au lit. Une demi-heure plus tard, on frappe à la porte. C’est l’archiduchesse qui, selon la tradition, amène l’empereur à son épouse. Mais Sissi est à bout de forces : elle enfonce sa tête dans l’oreiller et fait semblant de dormir. Sophie note dans son journal : « Nous conduisîmes, Ludovica et moi, la jeune mariée dans ses chambres. Je la laissai avec sa mère et m’établis dans le cabinet à côté de la chambre à coucher jusqu’à ce qu’elle fût au lit, et je cherchai mon fils et l’emmenai près de sa jeune femme, que je trouvai, en lui disant bonne nuit, cachant son joli visage inondé de la profusion de ses beaux cheveux dans son oreiller, comme un oiseau effrayé se cache dans son nid. »
    En fait, le mariage n’est consommé que deux jours après la cérémonie et, à huit heures du matin, l’archiduchesse en est déjà informée. S’il faut en croire le bien renseigné ambassadeur Maurice Paléologue, l’empereur amoureux « n’a pas su ménager les pudeurs, les ignorances, les délicatesses physiques et morales de sa jeune épouse. Il l’a possédée avec une fougueuse ardeur. Et cette brusque initiation l’a laissée, pour longtemps, meurtrie, méfiante, rétive, désenchantée. » L’intimité est un mot que l’on ignore à la cour des Habsbourg. D’ailleurs, dès son premier réveil, Sissi s’aperçoit qu’elle n’est impératrice que de nom. Sa belle-mère et tante, qui lui a déjà imposé sa maison – sa première dame d’honneur est âgée de soixante-cinq ans –, lui interdit de prendre son petit déjeuner dans ses appartements. Le Frühstück doit être pris en famille ! Bien qu’également Bavaroise, elle pousse des cris lorsque sa belle-fille émet la prétention de vouloir boire de la bière pendant ses repas. De la bière, à Vienne ! Alors que le vaste empire – des plaines de Vérone aux coteaux de Tokay – compte tant de crus fameux ! Autre scandale aux yeux de la terrible archiduchesse : Sissi souhaite avoir une salle de bains ! On s’en est toujours passé dans les palais impériaux !
    Très vite, Élisabeth se sent en prison, écrasée par une étiquette d’un autre âge, étouffée par les exigences de Sophie qui ne cesse de gourmander sa belle-fille. Durant le premier dîner de cour important donné à la Hofburg, elle annonce à chacun qu’elle a l’intention d’être elle-même. Elle fait son apparition en une robe de satin blanc, brodée de perles, ses cheveux bruns tressés en couronne sur sa tête adorable, ses yeux foncés étincelants d’éclat. Puis à l’horreur et à la consternation générales, elle retire posément ses gants blancs, les agite en l’air et les tend au valet. L’assistance reste frappée de mutisme. Les hors-d’oeuvre sont délicieux et appétissants. Ils lui plaisent. Elle en mange comme elle l’a toujours fait à Munich, avec appétit et sans cérémonie. Elle beurre son pain et enfourne un bon morceau entre ses dents... de sa main nue. La cour reste bouche béante.
    L’archiduchesse Sophie a, en privé, des mots très durs : « Croyez-vous donc que vous pouvez agir comme une petite paysanne bavaroise ? Avez-vous juré de déshonorer la cour ? » Et Sophie de se lancer dans une longue dissertation sur la façon dont une impératrice doit agir en public. Les gants sont de rigueur ; la bière n’est pas une boisson pour une souveraine en public ; celle-ci doit dominer ses émotions ; il est au-dessus de la dignité d’une impératrice de rire tout haut ; la fatigue, l’ennui mortel ou l’extrême plaisir doivent être supportés pareillement, avec un léger soupir. Sophie remarque, en présence du cardinal-prince archevêque Rauscher, que la loi et l’ordre vont être abolis, si cette petite « poupée de cire de Bavaroise » a la permission d’en faire à sa tête. De

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