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L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
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opéra de Vienne, prétextant une « indisposition ». Son attitude provoque la colère de ses sujets. Les spectateurs ne sont pas les seuls à éprouver du dépit chaque fois qu’elle se dérobe ; il y a encore ceux qui participent aux cérémonies de cour : si l’impératrice se refuse à paraître, les dames d’honneur, par exemple, perdent une occasion de parader à sa suite dans des robes somptueuses et des manteaux fastueusement brodés, en arborant leurs plus beaux bijoux de famille. C’est surtout dans ses rapports avec la noblesse que, faute d’efforts, Élisabeth se crée bien inutilement des inimitiés. Elle commente avec dédain les futiles conversations des dames et des dignitaires de la cour. Et son silence, lors des « cercles », traduit bien plus clairement du mépris qu’une soi-disant inaptitude à s’exprimer. On assimile une telle conduite à de l’excentricité : l’impératrice refuse de se plier à l’étiquette, se permet de temps à autre une pique ironique et même un sourire moqueur lorsqu’elle est exaspérée par la raideur cérémonieuse qui règne à Schönbrunn. Dans l’un de ses poèmes, elle ne se prive pas de railler l’aristocratie viennoise :
    « L’esprit déjà de tracas accablé,
    Je vais de pis encore l’alourdir
    Et de potins viennois le rassasier.
    Voici donc s’avancer les plus grands noms
    Et la fleur de notre aristocratie,
    Croix étoilées – dames du palais
    (Grasses, et des sottes pour la plupart !).  »
    La cour frémit en 1868, quand elle prend à son service un petit garçon de race noire appelé Mahmoud, qui a accompagné en Autriche, l’année précédente, la mission du gouvernement égyptien. Le jeune garçon faisait fonction de chasseur de la maison du Caire que le Khédive Ismaïl avait fait bâtir dans le Prater. Ce dernier, remarquant que la « poupée nègre » amusait Élisabeth, lui en a fait cadeau. Elle le prend sous son aile avec toute la douceur et l’affection qu’elle a coutume de prodiguer à ses propres enfants. Mahmoud a de gros yeux en boules, la peau noire et luisante, et les couleurs voyantes dont il se vêt lui seyent étonnamment. « Il ressemble à un bronze émaillé moderne », s’écrie Élisabeth avec ravissement. Un dur hiver à Vienne a raison de sa santé ; il contracte une pneumonie. Il doit à Élisabeth, qui le soigne avec patience, d’être sauvé de la mort. L’affection de Mahmoud pour elle est intensément primitive, et il suffit qu’elle témoigne de l’intérêt à ses chiens pour provoquer chez lui une violente crise de jalousie. Elle brave directement l’opinion publique par son comportement envers lui. Elle fait ainsi photographier le petit garçon avec Marie-Valérie, intitulant l’image : Le compagnon de jeu de l’archiduchesse Marie-Valérie . Au lieu des habituels « souhaits de Noël de l’impératrice », c’est cette photographie qu’elle envoie.
    En voyage, elle se montre une dépensière forcenée ; l’argent lui file entre les doigts. Le secrétaire de la cour, Kokula, chargé de tenir en équilibre le budget de la souveraine, a souvent fort à faire. Il n’est pas rare qu’elle dépense plus que sa liste civile ne le lui permet, car ses fantaisies sont multiples et coûteuses : croisières, constructions, chevaux, toilettes... Bien qu’elle aime à s’habiller simplement – elle privilégie les costumes tailleur, les jupes étroites qui laissent les pieds libres, les blouses et les souliers anglais –, ses dépenses dans les magasins de modes atteignent parfois des montants vertigineux. Plus que la marchandise en soi, c’est le plaisir d’acheter qui l’excite. Depuis qu’elle voyage, elle reçoit quarante-six mille gulden par mois. En outre, il lui est remis pour ses petites dépenses personnelles deux cent mille gulden par an, qu’on lui verse par mensualités. Enfin, elle touche encore mille gulden de Spennadelgeld 1 . Lorsque ces sommes ne lui suffisent pas, l’empereur, sans la moindre hésitation, le moindre reproche, accorde les rallonges très élevées. Il a d’autant plus de mérite à contenter tous les caprices de son épouse qu’il est, par tempérament, fort économe et l’on peut même dire avare, se refusant à lui-même toute dépense qui n’est pas strictement indispensable et menant un genre de vie spartiate. Mais dès qu’elles concernent sa femme, toutes les notes sont acquittées aussitôt présentées. Ami attentif

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