L'Impératrice indomptée
attrayant ! L’impératrice est si contente de son cirque qu’elle entreprend d’en faire construire un autre à Possenhofen pour le duc Max. Elle le lui offre avec quelques-uns des plus beaux chevaux qui existent au monde. C’est ici qu’elle-même donne des représentations un bon nombre de fois. L’assistance change un peu de celle de Vienne, les représentants des différents degrés illégitimes du duc Max viennent en tête de liste. Sa nièce rapporte que « ce fut un spectacle charmant quand ma tante, dans un costume de velours noir, fit tourner son petit cheval arabe dans le manège, sur un pas de danse. Certes, c’était là une activité un peu inhabituelle pour une impératrice ».
Elle s’initie à ces acrobaties de cirque auprès des plus célèbres écuyères du Renz : Émilie Loiset et Élise Petzold. Cette dernière, surtout, est souvent reçue à Gödöllö, et passe pour être sa confidente au grand scandale de la cour. Avec son aide, Élisabeth dresse Flick et Flock, des chevaux de cirque. Entre autres signes d’attachement, elle lui fait présent d’un de ses chevaux favoris, nommé Lord Byron ; elle l’invite également aux chasses à courre les plus huppées.
Dans chaque résidence royale, Élisabeth monte successivement tous les chevaux et étudie leurs défauts pour se parfaire toujours davantage dans l’art équestre. Elle a un petit calepin rouge dans lequel elle note tous les jours ses observations : pour dresser un cheval, se lier à lui par une assiette solide, les mains fixes et les jambes le long du corps ! Voilà ce qu’il faut faire dans les pirouettes et dans les voltes pour ne pas avoir de changement d’allure au galop, etc. Elle ne se borne pas à des exercices pratiques, elle étudie la théorie de l’équitation. Sa bibliothèque s’enrichit de quantité de livres sur les chevaux et des plus modernes traités de gymnastique et de culture physique.
Écuyère forcenée, elle ne se ménage pas ! On connaît le récit du docteur Lognes, directeur de l’Institution de Maynooth, chez qui pénètre un jour une jeune inconnue complètement trempée ; en chassant le renard, l’impératrice a traversé un petit lac. Elle aime ces aventures ; toujours, même à Vienne, elle rentre à bout de forces après ses promenades quotidiennes. Elle ne soigne et n’entoure son corps de soins vraiment païens que dans le but de demeurer souple et mince comme un jockey. Chaque matin, elle examine ses jambes de sportive, qu’elle veut garder nerveuses et dures, sa gorge ferme et jeune qu’elle tremble de voir devenir molle et féminine, et les lignes souples de ses longs bras fins. « Cette passion d’équitation et de mouvement est malsaine et inconvenante », déclare Sophie. François-Joseph ne cesse de protester contre ces fantaisies « scandaleuses ». Il ne permet jamais aux journaux d’imprimer une ligne concernant les représentations équestres de son épouse.
Ce n’est pas sans peine qu’Élisabeth conserve son apparence de jeune fille. Autant que possible, elle commence la journée par un temps de galop sur un cheval fougueux. Pour entretenir son corps, elle a aussi recours à la gymnastique. À Ischl, elle s’est fait aménager un gymnase dans les combles de la villa royale, et un autre dans le jardin. Dans ses voyages, elle emporte trapèze, échelles de corde, appareils à se dégourdir les muscles, barres parallèles, nattes d’escrime, tout l’attirail de l’exercice physique. Et cela ne passe guère inaperçu et choque parfois. Chaque jour, on peut voir la jeune femme se rendre au quartier d’entraînement où un professeur en permanence à son service lui donne ses instructions. Ainsi, son lecteur de grec, Christomanos, rapporte dans son journal : « Aujourd’hui, avant de sortir en voiture, elle m’a fait rappeler au salon. Dans l’ouverture des portes, entre celui-ci et son boudoir, étaient disposés des cordes et divers appareils de gymnastique et d’extension. Je la trouvai justement en train de se hisser aux anneaux. Elle portait une robe de soie noire à longue traîne, bordée de superbes plumes d’autruche noires. Je ne l’avais jamais vue habillée avec tant de faste. Suspendue au bout des cordes, elle donnait la fantastique impression d’un être intermédiaire entre le serpent et l’oiseau. » Pour remettre pied à terre, il lui fallut s’élancer par-dessus une cordelette tendue assez près du sol. « Cette corde,
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