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L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
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enfants l’intéressent moins que jamais. Qu’il s’agisse de leur première sortie au théâtre ou de la première communion de Gisèle, tous les événements importants de leur vie se déroulent sous les yeux de leur père, de leur grand-mère, des éducateurs et des dames d’honneur, mais non de leur mère.
    Rodolphe a six ans et promet beaucoup. Esprit lucide, il est, « physiquement et intellectuellement parlant, un enfant supérieur à son âge, mais d’un tempérament sanguin et d’une grande sensibilité nerveuse ». On ne saurait s’en étonner : de 1864 à 1877, il a cinquante maîtres et professeurs différents. Élisabeth n’est en aucune façon consultée dans le choix de ses éducateurs : à peine a-t-elle pu voir son programme d’études ; et elle n’a pas même l’occasion de passer chaque jour quelques heures seule avec le prince. Volontairement ou non, on a fait de Rodolphe un étranger pour elle. Après son retour à la cour, elle s’efforce de le reconquérir. On ne saurait donc lui attribuer en tant qu’éducatrice l’instabilité de son fils.
    À l’âge de dix ans, celui-ci n’est pas dépourvu de charme. Mais il y a déjà en lui comme une cruauté latente, à laquelle a peut-être contribué son père, en voulant faire de lui un sportif endurci et en l’emmenant pour la première fois chasser le gros gibier à l’âge de neuf ans. Élisabeth a un frisson le jour où Rodolphe lui montre fièrement les dessins d’oiseaux et d’animaux morts qu’il a faits en y représentant le sang par de grandes taches d’encre rouge. Sophie parle souvent de la « méchanceté Wittelsbach de Rodolphe », et de son goût de l’originalité qu’elle estime à la fois comme dangereux et inconvenant.
    Élisabeth, lorsqu’elle est en sa compagnie, prend grand plaisir à sa curiosité, à son imagination et à sa singularité. Au lieu de réprimer ses tendances, comme il aurait été convenable, elle les encourage. Elle ne se rend pas compte que ces qualités-là sont dangereuses pour un prince de la Couronne. Rodolphe est un révolté... mais cela n’empêche pas Élisabeth de verser de l’huile sur le feu. Il se refuse à apprendre l’allemand. Élisabeth elle-même n’a jamais aimé la discipline, le manque de souplesse, la rudesse de la langue germanique. Aussi prie-t-elle son précepteur, le comte de Latour, de rendre son éducation aussi peu allemande que possible. Mais elle est trop souvent absente.
    Dès qu’elle s’évade de Vienne, Élisabeth devient une autre personne. En été 1869, délaissant Gödöllö, elle loue le château de Garatshausen en Bavière, propriété de son frère Louis. Elle y mène la plus bucolique des existences : elle se promène à cheval ; sur le lac de Starnberg, elle fait du bateau et se baigne avec ses soeurs ; elle joue avec sa petite Marie-Valérie ou s’en va en cabriolet rendre visite à ses parents dans le voisinage. Toute la famille séjourne dans la région : Hélène à Ratisbonne, le roi et la reine de Naples à Feldafing, les jeunes Alençon en visite chez la duchesse, à Possenhofen même. Bien qu’elle soit gaie dans ce cercle de famille, elle écrit à Ida Ferenczy qu’elle a « parfois une terrible nostalgie de la Hongrie ». Les montreurs d’ours, les joueurs de cithare, les écuyers de cirque sont les bienvenus au château, prétendument pour amuser la petite Marie-Valérie. Mais en réalité c’est Élisabeth qui les attire : jusqu’au jour où la vieille duchesse se plaint de ce que Sissi devienne tout à fait comme son père, « avec sa passion pour les saltimbanques ». Élisabeth, qui n’a rien à faire qu’à s’occuper de Marie-Valérie, écrit à sa lectrice Ida : « Je vis ici sans penser absolument à rien, c’est ce que j’aime. »
    Élisabeth, que sa fièvre de voyages a reprise, se trouve à Méran, en mai 1872, quand une mauvaise nouvelle vient troubler son séjour. L’archiduchesse Sophie, en sortant d’une représentation au Burgtheater, a pris froid en cherchant un peu de fraîcheur sur son balcon à la Bellaria. Son état, dit la dépêche, est alarmant. Sissi fait ordonner qu’on attelle immédiatement sa berline de voyage et prend la route de la capitale. Le cocher reçoit l’ordre de se diriger tout de suite vers Schönbrunn en crevant ses chevaux s’il le faut. L’impératrice veut arriver avant que l’archiduchesse n’aille rendre compte à Dieu de ses bonnes

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