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L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
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intentions et de ses mauvais résultats. Si elle est absente lors des derniers moments de sa belle-mère, les mauvaises langues de la cour ne manqueront pas de parler d’absence volontaire, de vengeance ignoble.
    — Son Altesse impériale vit-elle encore ?
    — Oui, Majesté !
    La famille passe dix jours au chevet de l’agonisante. L’empereur fait répandre de la paille dans la cour de la Hofburg pour assourdir le roulement des voitures et le piétinement des chevaux. Élisabeth reste jusqu’au décès de l’archiduchesse Sophie à trois heures du matin. Le « seul homme de la cour impériale », comme on l’a appelée jadis, est mort. C’est avant tout pour François-Joseph que cette mort est très dure. L’archiduchesse Sophie n’a pas été seulement sa mère, mais aussi sa confidente, sa conseillère – une tête politique raisonnant froidement. Et elle lui a donné, ainsi qu’aux aînés de ses enfants, ce qu’il n’avait guère trouvé auprès de sa femme : une vie de famille. « Nous avons enterré notre impératrice », dit-on après ses funérailles à Vienne. Élisabeth n’a pas l’intention de prendre la place de la défunte et de s’engager politiquement ou même de faire entrer en jeu ses convictions libérales. Avec Sophie, c’est l’ordre ancien qui disparaît.
    Sitôt celle-ci ensevelie, Élisabeth repart pour ses incessants voyages. Athènes, Corfou, Trieste, Suez, Constantinople, Rhodes, Chypre, l’Espagne, l’Angleterre la voient passer avec ses dames d’honneur, Marie Festetics, Ida Ferenczy, le premier chambellan, ses chiens. La mouette errante va d’océan en océan sans se poser.
    Et puis, il y a la Hongrie. À Budapest, elle redevient jeune. Les lettres qu’elle écrit à Rodolphe sont celles d’une soeur aînée plutôt que d’une mère : « Je suis on ne peut plus heureuse ici, mon chéri, sauf que vous me manquez. Les jardins du palais sont magnifiques et ma chambre est pleine de l’odeur délicieuse des lilas et des acacias en fleurs. » À Budapest, elle tient à se faire présenter tout poète ou écrivain connu, alors qu’à Vienne elle ne se soucie même pas de recevoir le vieux Grillparzer, qui est la gloire de la poésie autrichienne. Les artistes qu’elle distingue sont invariablement des Hongrois, tels que le peintre Munkacsy, ou Franz Liszt : quand celui-ci donne un concert à Vienne, elle l’honore toujours de sa présence. C’est parce qu’elle est incapable de s’intéresser à ce qui l’entoure qu’elle s’ennuie dans la capitale. Elle déteste chaque année davantage les nombreuses obligations officielles, réceptions et bals auxquels elle doit s’astreindre. Jusqu’à la fin de ses jours, Vienne sera pour elle un endroit où elle a peur de revenir et d’où elle a toujours envie de partir.
    Plus que jamais, elle répugne à s’y montrer en public ; elle ne s’aventure que bien rarement au-delà des grilles de Schönbrunn. Souvent, en public, l’impératrice aime se cacher derrière un éventail. La presse s’en émeut et un journal fait paraître alors ce poème significatif :
    « L’étrange femme,
    Vraiment, elle est étrange, la femme,
    Qui sans crainte du danger,
    Mue seulement par l’amour du prochain,
    Apporte la consolation dans la maison du malheur.
    Qui, oubliant la beauté,
    Parle même au lépreux,
    Accourt, l’oeil humide,
    Au chevet du mourant, reste auprès de l’abandonné
    Dame patronnesse, voyez comment
    On peut être charitables modestement,
    Non seulement aux sons de la musique de Strauss,
    Mais aussi dans le silence de l’hôpital.
    On peut sécher des larmes là où la mort
    Menace sous toutes ses formes :
    Prenez exemple sur notre impératrice,
    Si humaine et si magnanime. »
    Lorsque la cour s’installe à la Hofburg pour l’hiver, elle se fait parfois conduire dans la partie la plus déserte du Prater et là, descendant de voiture, elle marche pendant une heure dans la neige, suivie d’une dame de compagnie grelottante. Elle vit si cachée que les Viennois savent à peine si elle est en ville ou non. Elle ne s’intéresse ni à la vie politique, ni à la vie culturelle de la capitale, ni aux transformations de la cité, où les vastes promenades du Ring et ses beaux palais ont peu à peu remplacé les remparts médiévaux. Le fait que l’archiduchesse a toujours patronné les arts pourrait expliquer l’abstention de sa bru.
    Sissi fait faux bond lors de l’inauguration du nouvel

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