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L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
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dit-elle, est là pour que je continue de savoir sauter. Mon père était un grand chasseur devant l’Éternel, et il voulait que nous apprenions à sauter comme des chamois. » Elle prie alors l’étudiant médusé de poursuivre sa lecture de L’Odyssée , tout en lui expliquant qu’elle doit ensuite recevoir quelques archiduchesses et, pour cette raison, s’habiller de façon cérémonieuse : « Si les archiduchesses savaient que j’ai fait de la gymnastique dans cette tenue, elles seraient stupéfaites ! »
    Elle met, en tout ce qui lui plaît, la même outrance. Elle aime fumer, parfois même le cigare. Elle mange peu, très rarement des plats chauds ; même à l’occasion des grands repas officiels elle ne prend que du pain blanc, du bouillon ou du jus de viande et des fruits. Tout est tenté pour ne pas prendre un gramme de trop. Son souci est de rester mince. Elle n’aime pas les plaisirs de la table et déteste les gros mangeurs. Bien en avance sur les diététiciens de son temps, elle suit un régime, mais elle évite les repas en commun : la sveltesse de sa ligne lui importe davantage que les règles de l’étiquette. Elle adore le lait et s’offre le luxe d’emmener avec elle, dans ses voyages, une vache spécialement choisie. Elle ne redoute rien tant que la perte de sa souplesse et la perspective de prendre du poids 2 . Elle défend héroïquement ses habitudes, qui sont le dernier refuge de sa personnalité. L’empereur, bien que lui-même plutôt spartiate, regarde d’un oeil étonné ses bizarreries. Il hoche la tête devant le beefsteak presque cru qu’elle se fait servir dans sa chambre comme principal repas. Ses dames de compagnie confient à leurs amies que l’impératrice « a de curieuses habitudes ». Le soir, elle ne dîne jamais et ne boit qu’un verre de bière ou de lait. Minceur et beauté sont ses obsessions.
    Les femmes de chambre passent parfois une heure entière à lacer son corset, malgré la minceur de sa taille. Mais elle ne doit pas mesurer plus de cinquante centimètres ! Il arrive aussi que ses robes soient cousues directement sur elle pour être parfaitement ajustées à son corps. Sous sa tenue de cheval, elle ne porte pas de lingerie, mais une tunique en cuir de cerf extrêmement mince. Elle doit être humide pour lui aller comme une seconde peau. Dans son livre, Die Kranken Habsburger ( Les Maladies des Habsbourg ), le docteur Bankl en conclut qu’on a là sans équivoque le tableau clinique de « l’ anorexia nervosa , une obsession de maigrir pathologique s’accompagnant d’un besoin de mouvement irrépressible et de l’alternance de phases de dépression et d’excitation agressive ». Il explique aussi que les symptômes névrotiques de l’anorexie sont très étroitement liés, sur le plan psychique, au rejet de toute plénitude corporelle et, avant tout, de la sexualité. « Pour moi, ni amour ni vin, l’un fait mal, l’autre fait vomir », écrit-elle un jour.
    Sa seule incartade alimentaire : elle adore les glaces qui figurent sur chacun de ses menus. Bien que la cuisine de l’empereur possède la meilleure pâtisserie du monde, elle fait venir des sorbets et des gâteaux de chez Demel, célèbre pâtisserie de Vienne. Le livre de comptes de l’impératrice trahit maint petit péché de gourmandise. Une seule facture du pâtissier porte la somme de cent gulden ; à une petite épicerie d’Ischl on paie trente-sept gulden cinquante-quatre kreuzer. Une autre fois, on débourse cinq cents gulden pour des écrevisses. On chuchote à la cour que la trop grande consommation de glaces a précocement abîmé les dents de l’impératrice. Pendant les séjours à Vienne d’Élisabeth, le dentiste vient en effet constamment au palais impérial.
    Marie Larisch a laissé le souvenir des moyens par lesquels l’impératrice cherche à préserver sa beauté : masques de viande de veau crue pendant la nuit, ou de fraises lorsque c’est la saison, bains chauds à l’huile d’olive pour entretenir la souplesse de sa peau. « Pour conserver sa minceur, elle dormait avec une ceinture de linges humides au-dessus des hanches, et buvait souvent une horrible mixture faite de cinq ou six blancs d’oeufs avec du sel. »
    Tous ces efforts ne sont pas sans récompense. Jusqu’à sa mort, Élisabeth gardera les formes et le galbe de la jeunesse.
    1 - Frais de représentation.
    2 - La diététique est, chez l’impératrice, une obsession.

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