L'Impératrice indomptée
qu’il la passe, mais avec Mizzi.
Le lundi 28 et le mardi 29 janvier, Rodolphe organise une partie de chasse avec quelques amis, le comte Hoyos, Philippe de Cobourg, Michel de Bragance, dans son château de Mayerling, à quarante kilomètres de Vienne. Les amoureux sont-ils convenus de quelque chose entre eux ? Marie s’est enfuie de la maison maternelle, sans bagages. Elle est, le lundi soir, du dîner de chasse. Elle passe la nuit du lundi au mardi, et toute la journée du mardi avec Rodolphe.
Mais dès le 28, l’entourage de l’archiduc remarque son ton étrange. Ce 28 au matin, Loschek, le valet de chambre du prince, est surpris par le calme de son maître. Il est inhabituel chez Rodolphe. « Il le faut... il le faut... », répète celui-ci à plusieurs reprises. Sur quoi, il décommande l’audience qu’il devait accorder ce jour-là au comte archevêque de Schönbrunn et demande sa voiture pour midi, en précisant qu’il ne partira pas avant d’avoir reçu certaine lettre et certain télégramme qu’il attend. Lettre et télégramme parviennent dans le courant de la matinée. Un peu avant une heure, Rodolphe part pour Mayerling. En même temps, Bratfisch, le cocher du fiacre qu’il utilise pour ses escapades, y emmène Marie Vetsera. Le 29 au matin, Philippe de Cobourg, beau-frère de Rodolphe, et le comte Joseph Hoyos arrivent à Mayerling pour chasser. L’archiduc prend son petit déjeuner avec eux et se déclare trop enrhumé pour les accompagner. Le même soir, les deux beaux-frères doivent assister à un dîner de famille au palais impérial. Rodolphe, invoquant de nouveau son rhume, prie Cobourg de l’excuser auprès de l’empereur. Il dîne seul avec Hoyos. Au cours du repas, il lui montre trois télégrammes que le comte Karoly lui a envoyés pour le féliciter au sujet du vote, par le Parlement de Pest, d’un décret sur la défense nationale. Ce décret, Karoly l’a d’abord désapprouvé et il a même sollicité l’appui de Rodolphe pour essayer d’empêcher qu’on le votât. Rodolphe se plaint d’avoir été compromis par la légèreté de Karoly. À vingt et une heures, il congédie Hoyos.
Il ne reste plus alors que trois personnes au château : lui-même, Loschek et une troisième personne dont ils sont seuls à connaître la présence : Marie Vetsera. Or, c’est bien avant de connaître Marie qu’il a parlé pour la première fois de se suicider. Il y a longtemps qu’il veut mourir. Mais il ne veut pas mourir seul. Le plus étonnant c’est que tout le monde le sait. Déjà, il a menacé de tuer sa femme, la princesse Stéphanie et de se tuer ensuite. La malheureuse est allée demander secours à l’empereur. Celui-ci a refusé de la prendre au sérieux. « L’archiduc devrait rester avec vous plus qu’il ne le fait », lui a-t-il répondu ironiquement. Au début de novembre 1888, Rodolphe propose à Victor de Fritsche, lieutenant de uhlans, de se suicider avec lui. Le jeune homme se déclare très sensible à cet honneur. Mais il le décline poliment. Une nouvelle tentative auprès du lieutenant Arthur Giesl échoue.
En décembre 1888, Mizzi Kaspar vient demander protection au chef de la police. L’archiduc, dit-elle, lui a proposé de l’accompagner à Moedlin. Il voudrait qu’elle se suicide en même temps que lui, dans un temple érigé à la gloire des hussards morts pendant les guerres napoléoniennes. À cette époque, Rodolphe connaît déjà Marie. Le chef de la police enregistre la déposition. Mais Rodolphe risquant de monter tôt ou tard sur le trône, il craint d’attirer son hostilité. Mizzi, menacée de poursuites à la moindre révélation, est contrainte au silence. Ainsi, à la cour, tout le monde est plus ou moins au courant des intentions du prince. Personne ne lève pourtant le petit doigt pour le retenir. Tout se passe comme si l’on attendait le moment où il tiendrait parole.
Le soir du 29 janvier, avant de rejoindre Marie Vetsera, Rodolphe de Habsbourg fait ses adieux à ceux qu’il a aimés : « Je vais mourir. Pour différentes raisons, continuer à vivre m’est une chose impossible », écrit-il à Szogenyi, son meilleur ami. À sa soeur Marie-Valérie, qu’il aime tendrement, il conseille avec beaucoup de clairvoyance d’émigrer en compagnie de son fiancé, dès la mort de l’empereur. Car, dit-il, l’avenir de l’Autriche-Hongrie est très sombre. « Chère Stéphanie, écrit-il enfin à sa femme, vous
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