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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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Américaine.
    — Je n’en connais pas.
    — Certes, mais au mariage, tu pourrais en rencontrer.
    — Et quand a lieu la cérémonie ?
    — Le 16 mars. D’abord à la Salute, puis au palais Morosini.
    — Bien, d’accord. Je vais prendre mes dispositions.
    — Et tu viens à l’église !
    — Si cela peut te faire plaisir.
    La comtesse fronça les sourcils.
    — Et cesse de dire seulement « Tron » quand tu te présentes.
    — Qu’est-ce que tu veux que je dise ?
    — Comte Tron. Insiste sur comte .
    — C’est stupide.
    — Bien sûr. Mais avec les Américains, il faut toujours être un peu…
    La comtesse s’interrompit et considéra sa main gauche comme si elle venait de découvrir qu’elle avait les doigts palmés.
    — Lourd ? compléta son fils.
    — C’est cela. Pense au million de florins d’or ! Et tiens-toi droit. On dirait toujours que tu as une maladie des os. Ton père aussi se tenait toujours de travers. Tu veux du gâteau ?
    — Oui, s’il te plaît.
    La comtesse lui tendit une assiette sur laquelle se trouvaient deux parts.
    — Béa prétend que la ville foisonne d’Américains.
    Il acquiesça d’un signe de la tête.
    — Il y en a tous les ans un peu plus, sauf cette saison peut-être. Sans doute à cause de la guerre de Sécession.
    — Les Américains sont en guerre ? Pour quelle raison ?
    — Parce que les États du Sud veulent se séparer de ceux du Nord pour continuer d’avoir des esclaves. Mais les États du Nord ne sont pas d’accord.
    Tron n’était pas sûr que Boston fût vraiment dans le nord des États-Unis, mais cela n’avait vraisemblablement aucune importance aux yeux de la comtesse, de même qu’elle se moquerait de l’origine de l’argent avec lequel son hôtel particulier pourrait être restauré.
    — Peut-être devrions-nous prendre contact avec la colonie américaine installée à Venise ? suggéra-t-elle, songeuse.
    — Il n’y a pas de colonie américaine. Juste quelques Américains au Danieli et à l’hôtel Europa . Quelques-uns d’entre eux ont passé ici toute la saison.
    — Alors, nous pourrions inviter le consul, continua-t-elle.
    — William Dean Howells ?
    — Comment s’appelle-t-il, dis-tu ?
    — Il est venu à la questure il y a deux semaines pour signaler son changement d’adresse. Il est passé du campo San Bartolomeo à la maison Falier, au bord du Canalazzo . Un homme charmant.
    — Dans ce cas, nous devrions penser à ce Mister Hua…
    — Howells.
    — Oui, à Mister Howells pour notre bal. Tu n’as qu’à t’en occuper. Tu le connais déjà.
    — Si tu veux.
    — Et la maison Falier, l’a-t-il louée ou achetée ?
    — Louée. Il est journaliste.
    — Donc, il a du bien. Sinon il ne pourrait pas se le permettre.
    — Quoi ?
    — D’être journaliste.
    Comme si lui-même pouvait se permettre d’être commissaire ! pensa Tron. Quand on voit l’état du toit, des fondations et du mur sur le rio Tron… Pour ne rien dire de sa garde-robe ! Il avait terminé les deux parts de gâteau au chocolat et se tourna vers ce qui restait de mousse au citron de la veille.
    — Où étais-tu, au fait ? lui demanda sa mère en remarquant sa queue-de-pie.
    — À La Fenice. Pour Rigoletto .
    — Notre loge était-elle occupée ?
    — Seulement après l’entracte.
    — Tu ne trouves pas que le Danieli nous donne trop peu ?
    Tron haussa les épaules.
    — Nous ne sommes pas les seuls à louer notre loge. La concurrence fait baisser les prix. En outre, elles sont le plus souvent vides en été. Alors que les hôtels paient à l’année.
    — As-tu pu voir quelle sorte de gens étaient assis dans la nôtre ?
    — Je crois que c’étaient des Russes. Je ne sais quel grand prince avec sa famille.
    — Les Russes laissent toujours plein de miettes. Et ils font des taches d’alcool sur les fauteuils.
    La comtesse poussa un soupir.
    — Cela aussi, ça va changer chez les Morosini.
    — Quoi ?
    — Ils ne vont plus être obligés de louer leur loge.
    Elle déposa une cuillère de mousse au citron sur son assiette à dessert.
    — Où étais-tu assis ?
    — Dans la loge d’une connaissance.
    — Tu veux parler d’une femme, Alvise ?
    — Je veux parler de la princesse de Montalcino.
    La comtesse haussa les sourcils.
    — Tu étais dans la loge de la princesse de Montalcino ?
    — Parfaitement.
    — Pour des raisons professionnelles ?
    — Plus ou moins. La princesse était à bord de l’ Archiduc Sigmund la nuit du double meurtre. J’avais

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