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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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semblait pas avoir bougé. Rien ne laissait présumer qu’on se fût battu. L’attaque avait dû avoir lieu par surprise.
    Dans l’armoire qu’il ouvrit, Tron aperçut deux pantalons, une veste et un manteau, mais pas l’élégant uniforme du Lloyd dans lequel il avait vu Moosbrugger la première fois. Manifestement, le chef steward ne le portait que pendant le service et se changeait avant de descendre de bateau. Il glissa une main dans la poche de la veste, mais n’y trouva rien : pas de monnaie, pas de papiers, pas de peigne.
    À côté du lit, au niveau de la tête, deux paires de bottes étaient rangées avec soin l’une à côté de l’autre, comme pour une inspection de chambrée. Le bassin et la cruche posés sur la table de toilette en face de la fenêtre étaient vides. Sous le matelas, le commissaire ne découvrit qu’une couverture grise portant les initiales de la filiale autrichienne Lloyd Triestino. Moosbrugger ne semblait pas avoir eu chez lui de grosses sommes d’argent ou des papiers importants.
    Même dans la cuisine qu’il inspecta ensuite, il n’y avait rien qui retînt l’attention. Comme dans la chambre, la fenêtre était assez élevée et munie de barreaux en métal. Une bassine en faïence blanche posée sur une étagère contre le mur de gauche devait servir à faire la vaisselle car elle était à moitié remplie d’une eau sale d’où émergeaient deux tasses. À côté, il y avait une assiette et une bouteille de grappa fermée par un bouchon. Sur l’étagère se trouvaient aussi un pain, et devant celui-ci, un couteau. La lame en était toute émoussée. Hors de question qu’elle ait servi à trancher la gorge de Moosbrugger.
    Restait le placard dans le vestibule. La porte entrebâillée s’ouvrit sans peine. Des chemises, des vestes d’uniforme du Lloyd, un manteau et une sorte de cape étaient accrochés à une barre qui prenait toute la largeur de l’armoire. Au bas de la penderie, une paire de bottes était en partie recouverte par les vêtements. Quand l’une de celles-ci bougea, Tron sut qu’il y avait un problème.
    S’il avait eu son revolver, il l’aurait sans doute sorti et aurait enclenché le chien en faisant beaucoup de bruit. Mais comme d’habitude, il avait laissé son arme de service dans le tiroir du bureau à la questure. Il se contenta donc de reculer prudemment d’un pas et de parler assez fort pour que Bossi et Grimani, restés dans la cuisine, puissent l’entendre :
    — Sortez de l’armoire, monsieur.
    L’intéressé s’exécuta aussitôt : après avoir écarté le manteau et la cape, il fit un pas en avant. Il baissait la tête et portait un uniforme de sous-lieutenant des chasseurs croates. Tron ne le reconnut qu’au moment où celui-ci releva le menton.
    — Emmenez-le à la cuisine, ordonna-t-il aux deux sergents surgis dans l’encadrement de porte.
    1 - Pièce centrale des grandes demeures vénitiennes. ( N.d.T. )

29
    — Je peux tout vous expliquer, commissaire ! s’exclama Grillparzer, assis à la table de cuisine. Mais peut-être vaudrait-il mieux que…
    Il hésita. Dans la lueur des lampes à pétrole qui donnaient aux pans de son manteau d’uniforme l’apparence de deux ailes, il ressemblait à un oiseau aux plumes hérissées. Tron ne savait pas pourquoi, mais le sous-lieutenant ne produisait pas sur lui l’effet de quelqu’un qui vient de commettre un meurtre. Les agents l’avaient fouillé dans l’espoir de trouver l’arme du crime – un couteau aiguisé comme un couperet –, mais ils n’avaient rien trouvé.
    — … que je prévienne la police militaire ? compléta le commissaire.
    Grillparzer leva les mains d’un air effrayé.
    — Surtout pas !
    — Alors que pouvez-vous m’expliquer ?
    Ses yeux marron avaient des reflets changeants dans la lumière tremblante.
    — Ce qui s’est passé sur le paquebot. Et ce qui s’est passé ici.
    — Ce qui s’est passé ici me paraît assez limpide, répliqua Tron.
    À ce stade de son interrogatoire, il trouvait malvenu de se laisser influencer par une vague prémonition. Il avait tout de même surpris le sous-lieutenant dans un placard à deux pas d’un cadavre !
    — Le corps de Moosbrugger est à côté. Vous avez tué le chef steward parce qu’il en savait trop.
    Grillparzer tressaillit-il ? Non. Il cligna juste des yeux et les commissures de ses lèvres prirent une expression de tristesse.
    — Au moment où vous vous apprêtiez à sortir, continua Tron,

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