l'incendie de Rome
étaient des inventions des hommes et encore, de bien médiocre facture !
Restait Délia… La similitude de leurs sorts était ce qui lui venait spontanément à l’esprit, lorsqu’il repensait à elle. Ils avaient été tous deux, à l’orée de leur existence adulte, marqués par un événement tragique auquel ils essayaient de faire face, et il était sûr qu’ils pourraient s’entraider. Y aurait-il quelque chose d’autre entre eux ? C’était trop tôt pour le dire, leur deuil mutuel était trop récent. Une chose était certaine : il était heureux de la rencontrer tout à l’heure, il avait même hâte de la voir.
La pensée de Délia en fit naître une autre : les agressions dont ils avaient été victimes tous les deux. Il revint à la réalité et se reprocha vivement son imprudence : depuis son départ, il n’avait pas cherché à savoir s’il était suivi. Il se retourna donc à plusieurs reprises, puis se dissimula dans un endroit sombre pour voir passer d’éventuels poursuivants, mais il ne remarqua personne. Dès lors, il continua sa route l’esprit rassuré. Le printemps, comme la fois précédente, était radieux et il se sentait délibérément optimiste…
Il se présenta enfin à l’endroit indiqué par Paul, au croisement de la via Nomentana et de la via Salaria. Il n’était jamais allé dans ce quartier périphérique. On n’y retrouvait pas l’enchevêtrement anarchique du centre. La plupart des habitations étaient séparées les unes des autres, il y avait même quelques terrains vagues. Mais les lieux étaient passablement sinistres. Il s’y dressait, en particulier, une caserne de gladiateurs aux murs nus et noircis ; plusieurs baraquements de bois y étaient attenants. Ne sachant pas où se trouvait exactement le lieu de rassemblement, Lucius hésitait sur la direction à prendre, lorsqu’un homme assez pauvrement vêtu vint dans sa direction.
— C’est Paul que tu cherches ?
— Oui. Il ne m’a pas dit précisément où le retrouver.
— C’est qu’il nous faut prendre des précautions. Suis-moi…
À la surprise de Lucius, l’homme le conduisit vers un des bâtiments attenants à la caserne, une sorte de grange dont le rez-de-chaussée était entièrement fermé par des planches. Lucius vit son guide grimper sur une échelle qui conduisait au premier étage, il le suivit et se retrouva plongé dans l’obscurité. Sous ses pieds, le plancher était branlant.
— Ce n’est pas chez Paul qu’a lieu la réunion ?
— Non. C’est un peu plus loin. Il nous attend.
Ils passèrent à ce moment-là devant un trou dans la cloison, qui donnait un peu de lumière. Lucius jeta un coup d’œil à l’extérieur et aperçut Délia. Elle était entourée d’un groupe de gens qu’il ne connaissait pas, peut-être des chrétiens. Tous semblaient savoir parfaitement où ils allaient et se dirigeaient dans une tout autre direction. Du coup, les soupçons l’envahirent. Il s’adressa vivement à l’homme :
— Hé, toi ! Où me conduis-tu ?
Le résultat ne se fit pas attendre : l’individu détala, puis, soudain, frappa violemment le sol du pied. Une des lattes du parquet bascula et tomba avec fracas au rez-de-chaussée. N’étant pas encore revenu de sa surprise, Lucius ne s’était pas lancé à sa poursuite. L’homme en profita pour recommencer avec une seconde planche, et une troisième, dénudant ainsi l’espace entre le jeune homme et lui. Ensuite, avec la même rapidité, il fit tomber une seconde rangée de planches et disparut avec un rire sinistre.
Ayant enfin repris ses esprits, Lucius découvrit à quel piège il venait d’échapper. Le niveau inférieur était occupé par des fauves, qui devaient participer aux mêmes représentations que les gladiateurs : deux couples de lions et plusieurs tigres. C’était là que voulait le précipiter son agresseur. Il y avait sans doute, un peu plus loin, une trappe ou un mécanisme quelconque qu’il s’apprêtait à actionner. Pour la seconde fois, il venait d’échapper à une tentative de meurtre !
Sa méfiance lui avait permis de déjouer l’attentat, mais il n’était pas tiré d’affaire pour cela. Le vide créé par l’homme était trop grand pour qu’il songe à sauter : il n’avait pas la place pour prendre un élan suffisant et il avait peur de trébucher en courant sur ce
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