l'incendie de Rome
atmosphère si particulière de fraternité et d’amour. Et ce fut justement d’amour qu’il fut question, quand, au moment de se séparer, les participants demandèrent quelques mots encore à Paul. Celui-ci y consentit. Il prit la parole d’une voix un peu différente, plus solennelle, plus émue, aussi :
— Quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute la connaissance, quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, sans l’amour, je ne serais rien. Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, sans l’amour, je n’y gagnerais rien. Les prophéties ? Elles seront abolies. Les langues ? Elles prendront fin. La connaissance ? Elle sera abolie. Seules ces trois-là demeureront : la foi, l’espérance et l’amour, mais l’amour est le plus grand.
En sortant de la maison de Paul, après avoir pris congé de son hôte, Lucius alla retrouver Délia, qui cette fois vint elle aussi vers lui, comme s’il était naturel qu’ils se retrouvent et qu’ils rentrent ensemble. Ils cheminèrent un moment en silence. Ils revivaient ces instants qui les avaient si fortement impressionnés tous les deux. Lucius finit par prendre la parole :
— Pourquoi veux-tu te faire chrétienne ? Tu n’étais pas aussi décidée la dernière fois.
— Cela m’est venu exactement quand j’ai bu la gorgée de vin. C’est arrivé tout d’un coup. Je ne sais comment te l’expliquer…
Lucius n’avait pas besoin d’explication, il comprenait. S’il n’avait pas assisté à ce repas, il aurait dit que la jeune femme était un peu exaltée. Mais dans cette ferveur qui les avait entourés, tout pouvait arriver. Cette soudaineté lui faisait penser à un coup de foudre et la comparaison était juste, car c’était bien d’amour qu’il s’agissait.
— Je te comprends. Mais tu n’as pas peur, après ce qu’a dit Paul ?
— Non. Ou plutôt, j’ai déjà peur. Alors, cela ne changera rien.
— On t’a encore attaquée ?
— Oui, en venant ici. Quelqu’un m’a lancé des pierres avec une telle violence que j’ai failli être blessée.
— Tu as pu voir qui ?
— J’ai vu s’enfuir une forme voilée. On aurait dit une femme. Mais c’était sûrement un homme. Une femme n’a pas une telle force.
Instinctivement, Lucius regarda autour d’eux… Personne de ce genre n’était visible. Délia reprit :
— Cela a commencé la première fois où je suis allée à la synagogue. Tu crois qu’il y a des gens qui en veulent aux juifs et aux chrétiens et que c’est pour cela qu’on m’attaque ?
Lucius repensa aux vociférations de la foule sur le Capitole et à l’agression dont il avait été, lui aussi, victime… Oui, une organisation fanatique de ce genre pouvait exister. Lorsqu’il serait informé, Tigellin mettrait certainement les moyens qu’il faut pour en avoir le cœur net. Mais il pouvait également s’agir d’autre chose.
— C’est peut-être aussi quelqu’un qui t’en veut personnellement. La dernière fois, tu m’as dit que tu ne voyais pas. Tu as réfléchi depuis ?
— Oui, mais je ne vois toujours pas…
Lucius changea de sujet. Il ne servait à rien de continuer à échafauder des hypothèses.
— Tu vas vendre tes galettes ?
— Il faut d’abord que je les cuise. D’habitude, je les cuis tôt le matin, mais là je n’ai pas pu.
Délia expliqua qu’elle allait les cuire en rentrant chez elle et qu’elle les vendrait la nuit. Lucius s’étonna :
— Tu penses que tu auras des clients ?
— Bien sûr. Je l’ai déjà fait. La nuit, il y a beaucoup de charretiers et les marchands ne sont pas nombreux.
C’était effectivement la conséquence du décret de Jules César interdisant la circulation des véhicules le jour : à Rome, les nuits étaient presque aussi animées que les journées… Lucius répondit sans hésiter :
— Alors, je reste avec toi. Je ne veux pas te laisser seule. C’est trop dangereux !
Délia refusa quelque temps, mais finit par accepter… Après un long trajet, ils arrivèrent enfin là où elle habitait, au centre de Rome, tout près du Forum. Il s’agissait d’un immeuble de six étages, en face du temple de Vénus Cloacine. Ce petit bâtiment religieux tirait son nom de la Cloaca maxima , le grand
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