l'incendie de Rome

chacun, il donnait un conseil avisé et utile. Lucius constatait combien Paul et lui se complétaient. Le premier était un prédicateur à la fois vibrant et enflammé, le second se souciait des problèmes matériels de chacun et aidait à les résoudre, c’était un guide, un pasteur. Lucius aurait bien voulu en savoir davantage sur lui. Si Paul, le fils du fabricant de tentes, leur avait parlé de lui la première fois qu’ils s’étaient rencontrés, il ignorait tout de Pierre. Or, d’après ce qu’il avait compris, il avait connu mieux que quiconque le Christ, fondateur et Dieu de leur religion. Il aurait aimé lui poser des questions, mais il n’était pas chrétien et se sentait tenu à une certaine réserve. Heureusement, l’un des convives le fit à se place :
    — Peux-tu nous dire comment tu as rencontré Notre-Seigneur ?
    Pierre hésita à répondre, mais comme d’autres, y compris Délia, se joignirent à cette demande, il lui fut difficile de refuser.
    — J’étais pêcheur sur le lac de Galilée, lorsque Jésus est venu dans ma maison. Il a prêché, je l’ai cru et je lui demandé ce que je pouvais faire. Il m’a répondu : « Viens avec moi et je te ferai pêcheur d’hommes. » C’est ainsi que j’ai abandonné mes filets pour le suivre.
    Lucius ne s’était pas trompé : Pierre avait bien exercé un métier manuel, avant de devenir chef religieux. Et il avait eu tout aussi raison de le comparer avec Tigellin : tous deux étaient à l’origine des marins…
    D’autres commensaux intervinrent et Pierre raconta plusieurs anecdotes tirées de sa vie aux côtés du Christ. Pendant tout ce temps, Paul restait silencieux, l’air plutôt fermé. Lucius pensa qu’il éprouvait quelque jalousie de n’avoir pas connu vraiment le fondateur de leur religion et de ne l’avoir vu que sous la forme d’une apparition. Les hommes, aussi admirables soient-ils, restent quand même des hommes… Pierre s’adressa enfin directement à Délia :
    — Et toi, n’as-tu rien de particulier à me demander ?
    La jeune femme hésita un instant et se décida :
    — Qu’est-ce que Notre-Seigneur t’a dit de plus important ?
    — Il m’a annoncé sa venue prochaine.
    — Comment cela ? Il va revenir, ici, sur terre ?
    — Je te le confirme. Il a dit aux apôtres comme à moi-même : « Parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le Fils de Dieu revenir comme roi. » Alors, tu dois être prête à l’accueillir, toi comme les autres.
    — Mais à quoi le reconnaîtrai-je ?
    — J’ai posé la même question à Notre-Seigneur et il m’a répondu : « Ma venue se fera dans un grand embrasement. »
     
    Ce fut en silence que Lucius et Délia entreprirent de faire en sens inverse le trajet qui les ramenait au centre de la ville. L’animation était revenue, la foule s’était de nouveau emparée des rues, avec sa masse bariolée à dominante claire, car le blanc des tuniques l’emportait largement sur les autres couleurs. En d’autres circonstances, Lucius aurait parlé à Délia des sentiments qu’elle lui inspirait. Car il l’aimait, il ne pouvait plus se le cacher. Son deuil s’en allait, sa souffrance n’était plus qu’un souvenir, celle, notamment, qu’il avait éprouvée lors de la fête de la vache pleine lui semblait remonter à des années. Mais il n’était évidemment pas question de dire quoi que ce soit à Délia. Il imaginait trop bien quel pouvait être son état d’esprit après toutes les émotions qu’elle venait de vivre, non seulement son baptême, mais l’agression qui avait tout juste précédé. Rarement un être aurait été aussi éprouvé et de manière aussi contradictoire en si peu de temps… Comme elle marchait, repliée sur elle-même à ses côtés, il décida de rompre le silence :
    — Qu’as-tu ressenti à ton baptême ?
    Délia parut émerger d’un rêve.
    — Je ne sais pas. C’est trop tôt.
    Elle eut un petit sourire, puis ajouta :
    — Mais ne t’inquiète pas. Cela ne va pas faire de moi quelqu’un de grave et d’ennuyeux. Je suis toujours la même !
    — Je sais. Il n’y a pas grand-chose qui puisse te faire perdre ta gaieté. Je ne te connais pas depuis longtemps, mais je l’ai remarqué.
    Comme pour approuver, la jeune femme accentua son sourire. Puis elle redevint sérieuse.
    — Pourquoi ne viens-tu