l'incendie de Rome
ici, elle uniquement !
Lucius avait parfaitement compris de qui son interlocuteur parlait.
— Tu ne dois plus penser à ces choses.
— J’essaie, mais c’est elle qui m’y oblige. Tu comprends ?
Néron s’assit sur un des deux fauteuils et lui désigna l’autre.
— Où est ta mère en ce moment, Gemellus ?
— En ce moment ? Elle doit être à notre magasin.
— Elle y est sûrement. Elle est vivante, et les vivants restent là où ils sont, mais pas les morts…
— Je t’en prie, ne te fais pas de mal inutilement !
Le regard de l’empereur se fit vague. On sentait qu’il était parti ailleurs, dans un passé proche et douloureux.
— Je ne voulais pas qu’elle sache, je voulais qu’elle croie à un accident, lui cacher qu’elle mourait sur l’ordre de son fils…
— Tout Rome te l’a pardonné. Tu ne pouvais pas faire autrement. J’ai interrogé mille fois le peuple à ce sujet et il est unanime, je te le jure !
Mais Néron ne l’écoutait pas. Il était avec ses souvenirs.
— J’ai fait semblant de me réconcilier avec elle et je lui ai offert une galère, dont le fond devait s’ouvrir pour qu’elle périsse noyée. Elle n’avait pas compris. Elle m’a quitté heureuse. Le fond s’est ouvert, mais elle a nagé et elle a survécu. Alors, je lui ai envoyé mes soldats et, cette fois, elle a compris.
— Tout Rome sait cela !
— Mais qu’elle ait tenté de faire de moi son amant, est-ce que Rome le sait ?
Lucius était au comble de l’embarras. Jamais il ne s’était trouvé dans une situation aussi délicate. Il finit par répondre :
— Il y a eu des bruits à ce sujet…
— Les bruits étaient fondés… C’était au palais. Au repas, elle avait semblé souffrante et elle s’était retirée dans sa chambre. En sortant de table, j’ai été prendre de ses nouvelles. Je me suis approché de son lit. Nous étions seuls. Elle était enroulée dans une couverture, elle l’a retirée et elle est apparue toute nue.
— Essaye d’oublier, je t’en conjure !
— Comment peux-tu oublier une mère qui se jette sur toi, qui t’embrasse à pleine bouche, qui pose la main sur ton sexe et qui commence ses caresses ? Si ta mère l’avait fait, pourrais-tu l’oublier ?
— Agrippine était un monstre, mais elle est morte, à présent…
Néron se leva brusquement de son fauteuil et se mit à arpenter la pièce. Sans doute n’entendait-il pas ce que lui disait Lucius. Il avait besoin de parler.
— Après cela, je ne l’ai plus jamais vue seul. Je ne lui rendais visite qu’entouré de soldats. Mais tu imagines les moments qui ont suivi et les nuits, surtout les nuits ? Je rêvais à elle et il m’arrivait de me réveiller recouvert de ma semence. Alors, j’ai tenté l’impossible…
Lucius voyait cet homme puissant, au physique de lutteur, parcourir la pièce comme une bête apeurée. Il était le maître du monde et pourtant, en cet instant, il était aussi faible que le plus humble de ses sujets. Il poursuivit son terrible récit :
— Pour échapper à cette obsession, j’ai fait rechercher dans tout l’Empire des prostituées qui lui ressemblaient et j’ai assouvi ma passion sur elles. Mais cela ne m’a pas aidé, bien au contraire. Cela ne faisait que renforcer les désirs monstrueux qu’elle avait fait naître en moi. Alors, tu comprends, il fallait qu’elle disparaisse ! Tu le comprends ?
— Qui ne le comprendrait, César ?
L’empereur baissa soudain le ton, comme s’il y avait quelqu’un dans la pièce pour les entendre.
— Elle m’attendait ici, Gemellus ! C’est elle que j’ai retrouvée dans cette atmosphère étouffante et, depuis que nous sommes ici, je n’arrive pas à lui échapper !
— Fuis-la. Rentre à Rome.
— Cela ne servirait à rien. Elle me suivrait.
— Alors, accomplis quelque chose qu’elle n’aurait pas voulu. Chante, par exemple. Lorsque tu chantes, tu la rejettes au loin, tu la fais taire, tu la fais disparaître.
Pour la première fois, Néron eut l’air intéressé par ce que lui disait son interlocuteur.
— Ce que tu dis est vrai, mais je ne peux pas chanter. Terpnus me l’a interdit.
— Alors, écris, compose ! N’as-tu pas quelque œuvre en tête ?
— Si, et depuis longtemps. Mais jusqu’ici, je n’osais pas.
— N’hésite plus, César, le moment est
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