l'incendie de Rome
le sort, que ce soit celui d’un empereur ou d’un mendiant. Néron, tu dois régner et te soumettre au destin, qui est notre maître à tous !
Pour toute réponse, l’intéressé s’empara d’un rouleau de parchemin qu’un esclave venait de lui apporter.
— Je vais maintenant vous donner lecture du début du premier livre : « La fondation de Rome par Romulus. »
Tandis que le philosophe quittait les lieux, outré, Néron se mit à déclamer. Le style était toujours le même : il dénotait une certaine aisance, mais il était gâté par une constante emphase. En tout cas, l’empereur était doué d’une facilité incroyable pour écrire. Alors qu’il n’avait commencé à écrire que depuis quelques jours, il déclama à l’auditoire des centaines de vers.
Mais, très rapidement, Lucius Gemellus ne l’écouta plus. Il pensait, le cœur serré, à Délia. Était-elle seulement en vie ? La reverrait-il jamais ? Il se prit à espérer un événement, n’importe lequel, qui lui permettrait de quitter Antium pour rentrer à Rome.
10
Le grand embrasement
Délia ne parvenait pas à dormir. Pour avoir un peu d’air, elle s’était mise sur son balcon et, de l’air, elle n’en avait à présent que trop ! Le sirocco, après s’être interrompu un moment, soufflait à présent avec rage, recouvrant tout d’une pellicule rouge lui desséchant la bouche et lui irritant tout le corps. Elle était nue. Qui pouvait la voir au dernier étage de son immeuble ? Au-dessus d’elle, il n’y avait que les étoiles. Pour échapper à la morsure du sable, elle alla chercher un drap et se réinstalla sur son balcon.
Elle eut un soupir douloureux, qui n’était pas dû à la chaleur suffocante. C’était la pensée de Lucius qui la faisait souffrir. Elle ne comprenait pas. Où était-il ? Que faisait-il ? Il y avait maintenant dix-huit jours – elle les avait comptés – qu’il n’était pas venu la voir. Il lui avait pourtant promis de la délivrer de son agresseur. Certes, celui-ci ne s’était pas manifesté de nouveau, mais elle tremblait à tout instant qu’il recommence. En désespoir de cause, elle s’était rendue à la boutique du Circus Maximus. Il n’était pas là. Elle avait interrogé ses parents. Ils lui avaient dit, ainsi qu’elle s’y attendait, qu’il était retourné en Ombrie pour acheter de l’huile, mais leur gêne était évidente. À leur tour, ils lui avaient posé des questions : comment s’appelait-elle ? Qu’était-elle pour lui ? C’étaient visiblement de braves gens, qui avaient de la sympathie pour elle. Elle avait eu l’impression qu’ils la plaignaient.
Elle s’apercevait, à présent, qu’elle ne savait rien de Lucius ou plutôt qu’il y avait un mystère à son sujet. Avait-il une femme dans sa vie ? Ce n’était pas possible : il le lui aurait dit la première fois qu’ils s’étaient vus. Il n’y avait rien entre eux, il n’avait aucune raison de lui mentir.
La jeune femme en était là de ses interrogations, lorsqu’un bruit léger en provenance de son appartement la fit sursauter. Instinctivement, elle enroula et noua le drap autour d’elle. Elle fit un bond. Un homme était là. Elle reconnut le prêtre de Vénus Cloacine, qu’elle avait déjà croisé plusieurs fois dans la rue. Il avait les yeux écarquillés et la bouche tordue par un sourire hideux.
— N’aie pas peur, ma belle, je ne te veux pas de mal !
Comment était-il entré ? Elle était certaine d’avoir fermé la porte. Sans doute l’avait-il crochetée. Il s’avançait, sûr de lui, lui coupant toute possibilité de fuite. Elle recula sur le balcon. Pourquoi Lucius n’était-il pas là ? Pourquoi ?… Plutôt que de subir les outrages de cet homme, elle préférait se jeter dans le vide.
— Où vas-tu ? Calme-toi. Sois raisonnable…
Arrivée à la balustrade, elle lança un regard désespéré derrière elle, comme si elle espérait voir surgir quelque secours. Et justement, elle aperçut du secours ! La gouttière de l’immeuble passait tout près. Elle avait toujours été agile, elle devrait pouvoir arriver à la saisir. Elle s’élança résolument et, l’instant d’après, elle descendait le long de la façade. Le prêtre de Vénus se précipita en poussant un cri de rage. Un instant, il fut tenté d’emprunter le même
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