l'incendie de Rome
étaient plus pathétiques encore. Un nombre incroyable d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards parcouraient les rues. La plupart étaient nus, soit que leurs vêtements aient brûlé dans l’incendie, soit qu’ils aient quitté leur domicile sans avoir eu le temps de s’habiller. Beaucoup fuyaient, d’autres erraient, hagards, comme frappés de stupeur et de folie. Lucius et Délia virent un homme et une femme se diriger vers les flammes. Ils coururent pour les retenir, mais ils durent reculer à cause de la chaleur. Le couple, lui, continua son chemin et disparut dans le brasier. Un peu plus loin, un homme couvert de sang leur barra le chemin.
— Ma fille ! Dites-moi où est ma fille !
Ils eurent beau lui répondre qu’ils ne savaient pas, il s’accrochait à eux en répétant sa question. Lucius dut le jeter à terre d’une bourrade pour qu’il lâche prise… Ce fut peu après qu’ils arrivèrent dans le quartier de Délia. Tout d’abord, ils ne reconnurent pas les lieux et crurent s’être trompés, jusqu’à ce qu’ils comprennent la raison de leur méprise. L’énorme amoncellement de débris qui les avait obligés à faire un large détour, c’était son immeuble ou, du moins, ce qu’il en restait ! La jeune femme s’arrêta, malgré le danger, tant était grand son saisissement. Une pensée la traversa : le prêtre de Vénus lui avait sauvé la vie ! S’il n’avait pas tenté de l’agresser en pleine nuit, elle serait parmi ces malheureux, dont on voyait dépasser un bras ou une jambe… Pensant au prêtre, elle se tourna vers le temple de Vénus Cloacine et le désigna subitement à son compagnon.
— Regarde !
Lucius dirigea les yeux dans cette direction et découvrit un spectacle hallucinant. Le temple de Vénus était rempli de monde. Les habitants des alentours s’y étaient réfugiés. À genoux, les bras levés, ils imploraient la déesse de les sauver, tandis que les flammes léchaient les murs et les colonnes… Délia cria :
— Il est là !
Effectivement, la silhouette du prêtre était parfaitement visible au milieu des fidèles. Il était retourné dans son temple pour se placer sous la protection de la divinité qu’il servait. On entendit soudain un grand craquement. Une poutre enflammée se détacha du toit et tomba au milieu des suppliants. Ce fut, pendant de longs moments, l’affolement le plus complet, après quoi, certains se relevèrent et d’autres pas. Le prêtre de Vénus était au nombre des seconds. Lucius et Délia, qui n’avaient cessé de se tenir la main, se serrèrent très fort et reprirent leur chemin.
Pendant longtemps encore, ce furent les mêmes scènes d’angoisse, puis ils sortirent enfin de la zone de l’incendie. Là, ils virent les premiers vigiles. Ils ne s’employaient pas à combattre le feu, mais à démolir les habitations qui n’avaient pas encore été touchées, de manière à créer un espace vide où les flammes n’auraient pas de quoi s’alimenter. Cette technique était peut-être la plus appropriée, mais on ne pouvait s’empêcher d’y voir une certaine inhumanité, alors que tant de drames se passaient à quelques centaines de pas de là.
Un peu plus tard encore, ils arrivèrent dans la région de la via Nomentana et de la via Salaria. Elle n’avait pas été touchée par l’incendie. Les rues étaient presque vides, très peu d’habitants des autres quartiers s’y étaient réfugiés. Les sinistrés étaient sans doute allés vers l’ouest pour franchir le Tibre, ce qui était le choix le plus judicieux… Lucius et Délia ralentirent l’allure, le danger le plus grand était passé. Malgré ce qu’ils venaient de vivre, la jeune femme voulut exprimer ce qu’elle avait sur le cœur :
— Parle-moi de l’Ombrie…
Lucius se tourna vers elle. Elle avait raison : ces mensonges entre eux ne pouvaient plus durer. Il savait qu’il allait partager son existence avec elle et il devait lui dire ce qu’il n’avait jamais caché à ses parents. Seulement, comment tout lui expliquer en si peu de temps ? Dès qu’ils seraient arrivés chez Paul, il devrait la laisser pour aller à la recherche des incendiaires.
— Ce n’est pas possible maintenant, mais tu sauras tout.
— Quand ?
— La prochaine fois que nous nous verrons.
— Tu me le promets ?
— Je te le jure.
— Il n’y a
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