l'incendie de Rome
d’espoir : il fait trop chaud, le vent est trop fort et l’eau fait défaut.
— Alors, je vais aller près d’eux.
— C’est dangereux, César !
— Crois-tu que je manque de courage ? C’est là qu’est ma place. Je dois montrer au peuple que je ne l’abandonne pas dans ce malheur…
Tandis que Néron remontait à cheval et disparaissait en compagnie de Flavius Sabinus et d’une petite troupe, Tigellin alla trouver Lucius.
— Toi aussi, tu vas reprendre du service. J’ai besoin d’en savoir plus sur ces pillards incendiaires. Va sur les lieux. N’essaie pas d’intervenir, mais tâche de me dire à quoi ils ressemblent. Sois de retour ce soir ici même.
Peu après, Lucius Gemellus cheminait en direction de l’incendie. Il avait préféré aller à pied, les réactions de panique d’un cheval étant à craindre. Pour l’instant, il était encore dans la partie protégée par le Tibre, mais une barrière impénétrable de fumée s’élevait à un millier de pas environ devant lui et, si elle masquait les flammes, celles-ci devaient être immenses : la lumière du jour était orange.
Lucius n’avait pas d’idée précise de l’endroit où il se rendait. Il allait vers l’incendie, c’était tout. Quel que soit le lieu où il se trouverait, s’il y avait des pillards, il les verrait… Il était profondément reconnaissant au préfet du prétoire de lui avoir confié cette mission. S’il était resté désœuvré, la douleur et le deuil auraient eu raison de lui.
Il prit soudain conscience qu’il se trouvait dans le cimetière où Délia aimait se réfugier. Il chassa les souvenirs que lui évoquaient ces lieux et il était sur le point d’éviter la tombe avec la salle à manger funéraire, dont la vision lui aurait été trop pénible, quand un fol espoir naquit en lui. Et si, malgré tout, Délia était vivante et s’y était rendue ?
La porte de bronze était fermée, mais comme d’habitude pas à clé. Il la poussa et lâcha un cri : elle était là, devant lui, dans la lumière orangée, recroquevillée sur le lit de marbre… En entendant son cri, elle se redressa et courut se jeter dans ses bras. Il la garda longtemps contre lui, la laissant pleurer. Elle finit par lui dire d’une voix tremblante :
— Tes parents…
— Je sais. Mais toi, comment le sais-tu ?
— J’étais là.
— Là-bas, en pleine nuit ?
— Je voulais me réfugier auprès de toi. J’étais poursuivie. C’était le prêtre de Vénus Cloacine.
— Et tu lui as échappé ?
— Il a fait demi-tour à cause de l’incendie. Moi, j’ai pu fuir les flammes juste à temps. J’ai couru vers le Tibre en pensant que c’était l’endroit le plus sûr et je l’ai suivi jusqu’ici.
Elle leva les yeux vers lui.
— Et toi, comment es-tu en vie ? Tu n’étais pas avec tes parents ?
— Non, je viens juste d’arriver.
— D’Ombrie ?
— Oui, d’Ombrie, c’est cela…
Elle soupira. Après un silence, il reprit la parole :
— Je dois partir. Il faut que j’aille combattre l’incendie. Reste ici, c’est le mieux. Tu es à l’abri, le feu ne franchira pas le Tibre.
— Non, je veux rejoindre les chrétiens. C’est ma vraie famille, c’est avec eux que je veux être. Je vais aller chez Paul.
— C’est de la folie ! Tu ne vas pas traverser tout Rome en feu ?
— J’ai besoin d’être auprès d’eux. Tu ne me feras pas changer d’avis.
— Alors, je t’accompagne…
Les deux jeunes gens se mirent en marche. Ils rencontrèrent le feu un peu avant le Forum et, à partir de là, ils entrèrent tout éveillés dans le cauchemar. Par moments, à cause de la fumée, c’était la nuit noire ; à d’autres moments, au contraire, la lueur des flammes était si aveuglante qu’il fallait se protéger les yeux. De temps à autre, un immeuble s’écroulait, engloutissant tout sous lui. Lucius avait pris la main de sa compagne et ils se tenaient aussi fort qu’ils pouvaient. L’air était si brûlant qu’ils avaient l’impression de brûler eux-mêmes.
Le pire était les rencontres qu’ils faisaient. Le préfet des vigiles ne s’était pas trompé en parlant de victimes innombrables. Des cadavres, ils en croisaient partout, tout noirs, tout rabougris. Certains étaient si calcinés qu’il ne restait plus que le squelette. Mais les vivants
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