Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
Vom Netzwerk:
première visite au musée Guimet et sa rencontre avec Vladimir Belanovitch, son professeur de sanscrit, puis de russe.
    « Que seraient l'architecture, la poésie ou les mathématiques sans la culture arabe qui recueillit aussi les savoirs antiques, qui s'aventura bien loin de ses frontières quand l'Europe s'enfermait sur elle-même ?
    « Que serait la philosophie sans l'obsession hindoue de la nature de l'être, sans son sens du rythme et des respirations ? Que serait l'art du xx e  siècle s'il n'avait été fécondé par l'Afrique et les peuples premiers ?
    « Que dire de l'Extrême-Orient, de sa recherche passionnée de l'harmonie, du geste juste, de son intuition de la tension des contraires comme source de l'élan vital ?
    « Que seraient le rêve de liberté et le respect dû à chaque homme sans la philosophie des Lumières qui essaima de France au xviii e  siècle à travers toute l'Europe, pour finalement traverser les océans ?
    « Que dire de l'apport essentiel des religions à la vie des hommes, lorsqu'elles les élèvent au-dessus de leur simple condition pour accéder à l'absolu ? Lorsqu'elles les éloignent de la haine et des égoïsmes, les rassemblent dans une communauté ouverte et généreuse ?
    « Certes, toutes les cultures ne se développent pas au même rythme. Elles connaissent des apogées et des déclins, des périodes de rayonnement et d'expansion, comme des temps de silence et de repli. Pour autant, toutes continuent à vivre au présent dans notre mémoire collective. Elles construisent nos identités, nos raisons d'être. Elles apportent à nos vies la lumière et le plaisir, le chatoiement de la poésie et des beaux-arts, l'accès à la connaissance et à la transcendance. Elles s'attellent aussi à l'obscur, questionnent le mystère et l'énigme. Elles constituent ensemble, à égalité, la part de lumière et de progrès, d'exigence éthique de l'humanité.
    « Le deuxième de ces principes, inséparable de l'égale dignité des cultures, c'est la nécessité de la diversité culturelle. Il ne peut y avoir de dialogue entre l'un et son double au mépris de l'autre.
    « Cette diversité est menacée. Je pense aux différentes langues du monde qui sont aujourd'hui près de cinq mille. Nous savons qu'il en disparaîtra la moitié au cours de ce siècle, si rien n'est fait pour les sauvegarder. Je pense aux peuples premiers, ces minorités isolées aux cultures fragiles, souvent anéanties par le contact de nos civilisations modernes. Je pense bien sûr à l'habitat, aux modes de vie, aux coutumes, aux productions artisanales, culturelles, exposés à la standardisation qui est l'un des avatars de la mondialisation.
    « Qu'on ne s'y trompe pas. Je ne suis pas de ceux qui magnifient le passé et qui voient dans la mondialisation la source de tous nos maux. Il n'y avait pas, hier, un admirable respect des cultures, et il n'y a pas, de nos jours, une affreuse volonté d'hégémonisme. Qu'on se souvienne seulement des conquêtes et des colonisations qui, trop souvent, cherchaient à imposer par la force – force des armes ou pressions de toutes natures, et d'ailleurs en parfaite bonne conscience – des croyances et des systèmes de pensée étrangers aux peuples colonisés. »
    Et, pensant aux masses arabes et musulmanes, africaines et sud-américaines qui contestent de plus en plus l'Occident, Chirac assenait : « Aujourd'hui, la mondialisation est souvent présentée comme une nouvelle forme de colonisation visant à installer partout le même rapport – ou la même absence de rapport – à l'Histoire, aux hommes et aux Dieux. »

    À la même époque, les néocons américains étaient en train de mettre au point une nouvelle doctrine de prévention visant à faire la « guerre contre le terrorisme » ; ils avaient déjà la conviction que l'Irak était le nœud gordien qu'il fallait faire sauter, et demandaient au Pentagone de mettre au point des plans d'invasion de ce pays pour le cas où… Le 29 janvier 2002, dans un discours devant le Congrès, le président américain révélait le cadre de sa nouvelle politique : la lutte contre l'« Axe du mal », dénoncé à travers trois de ses foyers – la Corée du Nord, l'Iran, l'Irak –, et la traque des armes de destruction massive (ADM). Dans les semaines qui suivirent, les télégrammes diplomatiques en provenance de Washington montraient nettement que les États-Unis se préparaient à déclencher

Weitere Kostenlose Bücher