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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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accepter que, dans cette partie du monde, il n'y ait que des régimes autocratiques, alors que l'Irak, si on y instaurait un régime fédéral et démocratique, pourrait servir de catalyseur à toute une série de changements qui « ouvriraient » cette partie du monde.
    « Si nous voulons intervenir pour changer les régimes politiques des pays, nous sommes alors dans une autre civilisation, répond Jacques Chirac. En tout cas, nous ne sommes plus dans une civilisation organisée comme celle d'aujourd'hui. Je crois donc que ce sont là des spéculations dangereuses, très dangereuses. On commence et on ne sait plus où on va s'arrêter. Pensons un peu aux réactions des masses, à celles des peuples. Si, par exemple, vous voulez renverser la monarchie au Maroc ou en Jordanie, vous rencontrerez énormément de difficultés avec les populations… »
    Heureuse surprise : malgré l'influence de Cheney et de Rumsfeld, Colin Powell est parvenu à convaincre le président Bush d'accepter la voie onusienne et de contribuer à l'élaboration d'une résolution visant à faire revenir les inspecteurs en Irak ; mais il prévient que, faute d'une acceptation sans réserve de Saddam Hussein, « l'action sera inévitable ».
    Jacques Chirac va développer les mêmes arguments auprès de tous les acteurs, jusqu'à l'adoption de la résolution 1441, le 8 novembre 2002. Le chef de l'État est entouré d'une équipe restreinte et soudée qui a été constituée après sa réélection en mai. Dominique de Villepin a remplacé Hubert Védrine au Quai d'Orsay. Inutile de faire le portrait du poète-hussard des Cent Jours, tant ce portrait est devenu familier des Français, souvent pour le faire détester ou moquer, parfois aussi pour lui reconnaître un certain panache. Aux côtés de Jacques Chirac, le « sherpa » Maurice Gourdault-Montagne, ami de Villepin, qui parle une dizaine de langues, dont l'hindi et l'ourdou. Jean-Daniel Levitte, fasciné lui aussi, comme le président, par le monde asiatique, qui parle le chinois et l'indonésien, représentant de la France à l'ONU jusqu'en décembre 2002, date à laquelle il remplacera à Washington François Bujon de L'Estang, autre proche de Jacques Chirac. Jean-Marc de La Sablière, fin connaisseur de l'ONU, quittera alors son poste de conseiller diplomatique du chef de l'État pour remplacer Jean-Daniel Levitte à New York. À ces cinq personnes qui restent en liaison téléphonique permanente, il faut ajouter Catherine Colonna, porte-parole du président, qui assiste à toutes les réunions importantes, et Claude Chirac qui veille à la communication de son père dans un domaine aussi ultrasensible.
    En étroite concertation avec Kofi Annan, les Français acheminent un message à Saddam Hussein pour lui conseiller de coopérer, faute de quoi les Américains attaqueront son pays. Le gouvernement irakien répond le 16 septembre 2002 qu'il autorise « sans conditions » le retour des inspecteurs. Washington voit là un piège et propose un premier projet de résolution totalement inacceptable pour les Français, stipulant notamment que des militaires américains escorteraient les inspecteurs. Le 27 septembre, depuis son ranch texan, Bush appelle Chirac. Il le fait pour deux raisons, dit-il : « entendre votre voix ; vous remercier d'avoir fait évacuer les étudiants américains de Bouaké 5 , et parler de l'Irak ». Le président américain propose au Français de travailler de concert : « Je veux que cette résolution soit très forte et inclue une menace de recours à la force. We have to be strong . Je veux bien travailler avec l'ONU, mais je veux que Saddam Hussein rende des comptes. » Jacques Chirac se dit convaincu que ces objectifs seront atteints, mais émet deux remarques. Sur le régime des inspecteurs : il veut entendre Hans Blix 6 , patron des inspecteurs des Nations unies, pour être sûr qu'il ne soit pas donné de bons prétextes à Saddam Hussein de refuser les inspections. Sur le recours à la force : il a une approche différente et propose une démarche en deux temps, « car c'est une affaire grave, il s'agit de la guerre dans une région déjà traumatisée ». Il souhaite donc une seconde résolution pour autoriser le recours à la force au cas où Saddam Hussein ne coopérerait pas avec les inspecteurs. « L'efficacité commande l'unité du Conseil de sécurité. » Il revient sur les risques qu'il y aurait à renverser Saddam Hussein :

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