L'inconnu de l'Élysée
l'Irak, de soulever partout la rue arabe, et parce qu'il n'y a pas sur place d'opposition sérieuse capable de prendre la relève. Si le Conseil de sécurité est saisi, « là, nous verrons ».
« Ta présentation est claire, comme toujours, répond Blair. Mais si Saddam Hussein ne croit pas que quelque chose de grave va lui arriver, il ne fera rien.
– Saddam Hussein a compris. Le pire, ce sont les propos irresponsables de Dick Cheney 4 . »
Puis Jacques Chirac demande à parler amicalement à Leo, le fils de Tony Blair.
Moins d'une heure après qu'il a raccroché, l'Élysée reçoit un appel de Bush demandant que Chirac veuille bien le rappeler. Le président américain est en train de préparer le discours qu'il doit prononcer, le 12 septembre, devant l'ONU. Il se montre très courtois, appelle son homologue français « mon ami », lui dit vouloir entamer avec lui des entretiens sur les questions de sécurité. Il ajoute que Saddam Hussein constitue une menace et qu'il a toujours ignoré les décisions de la Communauté internationale. « Contrairement à ce que spéculent les journalistes, nous n'avons encore pris aucune décision. » Jacques Chirac se dit ouvert à la discussion, précise qu'il vient de s'entretenir longuement avec Tony Blair, mais souligne qu'« une opération militaire serait difficile et constituerait une dangereuse aventure ».
Pour que les responsables du monde entier sachent la position de la France avant le discours prononcé par George W. Bush à New York, Jacques Chirac décide de répondre à une interview du New York Times , le 8 septembre 2002. À une question posée sur l'existence en Irak d'armes de destruction massive, il affirme : « On parle toujours de preuves, mais moi, ces preuves, je ne les ai pas encore vues ! » Sur le lien supposé entre l'Irak et Al-Qaida, il fait une réponse similaire : « Aujourd'hui, aucune preuve n'a été trouvée, ou, en tout cas, n'a été rendue officielle, d'un lien entre l'Irak et le terrorisme international, en particulier Al-Qaida. » Il se déclare « contre l'unilatéralisme dans le monde moderne. Je considère que le monde moderne doit être cohérent et, par conséquent, j'estime que si une action militaire doit être engagée, elle doit l'être sous la responsabilité de la communauté internationale, c'est-à-dire par une décision du Conseil de sécurité. Or si le Conseil de sécurité a décidé qu'il ne fallait pas que l'Irak détienne d'armes de destruction massive, il n'a pas dit qu'il fallait changer de régime à Bagdad. Donc si l'objectif est d'empêcher l'Irak de posséder des armes de destruction massive, alors il faut suivre ce qui a été défini par les Nations unies, c'est-à-dire imposer le retour des inspecteurs en Irak sans aucune restriction ni aucune condition, et ce, sous la responsabilité du Secrétaire général de l'ONU. Si l'Irak accepte, c'est très bien. Si l'Irak refuse – et, disons les choses comme elles sont, on n'a pas fait beaucoup pour qu'il accepte –, à ce moment-là, il appartient donc au Conseil de sécurité de délibérer et de dire ce qu'il convient de faire, notamment s'il faut ou non engager une action militaire. »
Comme il l'avait dit deux jours plus tôt à Tony Blair, Jacques Chirac manifeste la plus vive inquiétude devant la montée de l'anti-occidentalisme à travers le monde, dans les pays pauvres et les pays émergents, et souligne le risque de faire exploser la coalition antiterroriste si une action contre l'Irak vient à être déclenchée unilatéralement. Reprenant des thèmes qui lui sont chers, il propose la formation d'une deuxième coalition : « Puisqu'on est tous tellement énergiques pour faire la leçon au monde entier, eh bien, je crois qu'il faudrait créer une seconde coalition, une coalition contre la pauvreté, une coalition pour défendre l'environnement – car l'écologie est dramatiquement mal partie –, une coalition pour régler des problèmes, des conflits, des crises qui sévissent un peu partout dans le monde mais que l'on pourrait aussi régler en se montrant plus généreux, plus engagés. Ce serait d'ailleurs une façon très efficace de lutter contre le terrorisme, et aussi de nous montrer dignes de notre vocation d'hommes. »
Le journaliste demande alors au président Chirac de réagir à une idée qui fait son chemin à Washington, selon laquelle il faudrait remodeler le Moyen-Orient, du fait qu'on ne peut plus
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