L'inconnu de l'Élysée
trop direct ! (Rire) »
Kofi Annan évoque ensuite longuement l'aide que lui a apportée Jacques Chirac lors de la crise libanaise, durant tout l'été 2006. Il a été le seul chef d'État à le soutenir, à Saint-Pétersbourg, au sommet du G8, pour obtenir un cessez-le-feu rapide dont Bush et Blair ne voulaient pas entendre parler. Il a participé à la formation d'un groupe naval intérimaire pour lever au plus vite le blocus du Liban. « Jacques et moi, on a bien travaillé ensemble pour faire lever ce blocus ! »
« J'ai eu le même type de collaboration avec Chirac dans l'affaire irakienne, reprend l'ex-secrétaire général ; parce qu'il savait que ce serait un désastre, il était aussi angoissé que je l'étais moi-même. On a vraiment tout fait pour éviter la guerre. J'avais la même analyse que lui, à savoir qu'il fallait donner davantage de temps aux inspecteurs pour parachever leur travail… C'est un homme qui connaît le Moyen-Orient, qui en connaît les cultures. Je crois qu'il est depuis toujours fasciné par le Moyen-Orient et par l'Extrême-Orient. La menace d'un veto de Chirac au Conseil de sécurité a introduit une très forte tension entre la France et les Américains, et j'ai moi aussi été alors très attaqué. Aujourd'hui, les Américains voient les résultats…
« Chirac aime et connaît l'Afrique. Il y compte beaucoup d'amis, et pas seulement parmi les chefs d'État ; il est sincère dans ses relations avec eux. Il s'est beaucoup engagé en Côte-d'Ivoire ; malheureusement, les leaders ivoiriens ne se comportent pas comme il faut, ils ne travaillent pas pour leur pays ni pour leur peuple. On ne peut vraiment aider que les gens qui souhaitent sincèrement la paix… Chirac nous a également donné un coup de main au Congo quand on a eu des problèmes en Ituri 17 … » Il souligne également le rôle très important du président français dans la lutte contre la pauvreté, à ses côtés et avec le concours de Lula et du président chilien, effort qui a abouti à la création d'un Fonds mondial de solidarité. Jacques Chirac a été le premier à s'y investir : « C'est un homme qui a un cœur, un homme doué d'une bonne nature, qui aime les gens, qui aime la vie. C'est quelqu'un qui, sur le plan culturel, accepte l'égalité : il ne partage pas cette idée que l'art du tiers-monde ne vaudrait rien. Il cherche à mettre en valeur les chefs-d'œuvre provenant de ces pays. C'est un homme pour qui j'ai beaucoup de respect et d'affection. Je crois qu'il est mal jugé, mal compris, mais qu'au fond les gens l'aiment bien. Ils trouvent que c'est un être chaleureux, humain, même s'ils critiquent sa politique. »
Pour conforter ma propre perception de l'action de Jacques Chirac hors de France, je n'ai appelé ici à la rescousse que trois « grosses pointures », alors qu'il ne m'aurait pas été difficile de trouver des chefs d'État disséminés sur la planète entière pour me dire tout le bien qu'ils pensaient du « Docteur Chirac », comme l'appelait Yasser Arafat. Mais cela aurait été vain, car, sauf en période de grave crise internationale, ce n'est pas ce pan de l'activité présidentielle qui dope les courbes de popularité des présidents français. Au contraire : les Français ont tendance à considérer que l'action de leur président sur la scène internationale est faite à leurs dépens 18 , comme si le temps de plus en plus important qu'il passe à s'occuper des crises internationales, à parler dans l'enceinte des différents sommets, à voyager, était pris sur celui qu'il devrait consacrer à leur quotidien. Ils ont ainsi successivement reproché à Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac de les négliger en s'occupant par trop du monde extérieur. Rien n'est évidemment plus faux, puisque chacun sait que le quotidien des Français se détermine de plus en plus, désormais, hors de nos frontières.
Quand les troupes françaises ne partent pas en Irak, ce ne sont pas seulement des vies humaines économisées, des milliards d'euros consacrés à des dépenses autres que militaires ; c'est aussi une amélioration de l'image de la France dans certains pays, qui va se concrétiser par des relations commerciales plus étroites. Quand le président milite pour le sort des plus pauvres, ce n'est pas seulement par bonté d'âme, mais pour fixer des populations qui, n'ayant plus d'espoir, cherchent à émigrer vers la France et l'Europe…
Dans le
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