L'inconnu de l'Élysée
portrait que Jacques Chirac consacra à Georges Pompidou à l'occasion du trentième anniversaire de sa mort, il disait : « À ceux qui lui reprochaient de trop s'engager sur le front diplomatique, il faisait remarquer, avec cet humour toujours empreint de clairvoyance, que les difficultés intérieures trouvaient de plus en plus leurs solutions à l'échelon international, que l'on ne pouvait plus penser aujourd'hui la paix sans la sécurité collective, le progrès économique et social sans l'Europe. »
Après lui avoir relu cette phrase, j'ai questionné le président sur ce type de reproche qui lui est également adressé. Réponse de celui-ci.
« Je voudrais d'abord relativiser les choses. Je suis un chef d'État qui voyage assez peu, comparé aux autres dirigeants de puissances analogues. Le nombre, la fréquence, la durée de mes voyages sont beaucoup plus restreints que ceux de mes collègues allemand et britannique. Contrairement à ce que l'on dit, je voyage assez peu, et, sachant que les Français risquent là-dessus de me critiquer, je reste peu de temps absent. Je fais une petite exception pour la Chine, parce que c'est la Chine, et je me permets alors de prendre une demi-journée pour aller visiter un site archéologique.
« Parce que la France est un pays moderne, notre vie est conditionnée par nos rapports économiques avec les autres pays. Quand j'apporte ma contribution à la vente des Airbus, il y a des retombées économiques et sociales non négligeables, que ce soit à Toulouse ou à Hambourg. Dans tous mes voyages, je suis préoccupé par le soutien des intérêts français et par les questions qui peuvent conditionner notre sécurité. Il est dans la nature même d'un chef d'État de défendre les intérêts nationaux à l'étranger. Il n'est nul besoin d'en parler longuement pour s'en rendre compte. L'exemple le plus parlant est celui des problèmes posés par l'immigration, qui ne pourront se résoudre que par le développement des pays pauvres… »
Cette question de l'utilité ou de l'inutilité des voyages à l'étranger d'un président n'est pas récente. Le 14 juillet 1996, Patrick Poivre d'Arvor lui posait la question suivante : « À ce propos, nos compatriotes peuvent avoir le sentiment de vous perdre un petit peu, en ce moment. Vous revenez du Qatar et d'Arabie Saoudite. Vous allez repartir au Gabon et au Congo. Vous occupez-vous assez des Français ? » À quoi Jacques Chirac avait répondu.
– Vous savez, j'ai été élu aussi pour représenter la France à l'extérieur, et surtout pour y défendre ses intérêts. Un Français sur quatre – on n'en a pas toujours conscience – travaille pour l'exportation. Vous rendez-vous compte de l'importance que représente pour nous le commerce extérieur ? Quand je voyage à l'étranger, je défends nos intérêts. Un rapport d'experts vient de m'être transmis, montrant que depuis un an, les seuls contrats commerciaux passés avec des pays étrangers, et qui l'ont été en raison de l'implication personnelle du chef de l'État, ont représenté en gros 120 milliards, c'est-à-dire 120 000 emplois ! Tout cela pour dire qu'il n'y a pas la politique étrangère d'un côté, la politique intérieure de l'autre. Les deux sont liées ! »
Aujourd'hui, le chef de l'État revendique toujours cet aspect bénéfique de son action internationale pour la France, et insiste beaucoup sur la chance qu'a la France de bénéficier d'une Constitution qui permet à son président d'incarner le pays et d'être ainsi mieux entendu quand il défend nos intérêts : « Quand je parle de graves questions internationales, quand je défends des intérêts français, ou que je veux ouvrir par exemple le marché chinois à l'assurance française, on me prend au sérieux. Le monde étant ce qu'il est aujourd'hui, avec les intérêts considérables que la France peut avoir à défendre un peu partout dans le monde, l'instabilité qui sévit et ne fait que croître, la nécessité d'être très attentif à notre défense et aux moyens qu'on lui consacre, il est important que ces questions relèvent de quelqu'un qui a le pouvoir de porter et d'exprimer ces intérêts… Il n'est pas de jour où je n'aie des contacts avec des dirigeants étrangers concernant soit des questions de sécurité, soit des intérêts économiques français. On m'a accusé d'avoir une politique arabe, mais les intérêts français dans le monde arabe sont
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