L'inconnu de l'Élysée
l'origine et l'évolution de l'univers
• l'origine et l'évolution de la vie
• l'origine et l'évolution de l'homme
• la diversité des cultures des peuples de la Terre et leur place dans leur milieu naturel
Sur trois feuillets qu'il terminera le soir à son hôtel, Jacques Chirac trace l'évolution morphologique et culturelle de l'homme ; sur cet axe, il situe l'« émergence de la pensée conceptuelle », puis, un million d'années plus tard, l'« émergence du sens de la beauté », 1,4 million d'années plus avant, la « naissance de l'angoisse métaphysique et l'émergence de la pensée religieuse », et, quelque 35 000 ans avant le sommet de Copenhague auquel il participe, l'« émergence de la pensée symbolique », enfin l'« apparition des écritures ». Et le président de la République française de conclure sa note par l'objet de ce grand dessein : « Démontrer que l'homme fait partie intégrante du milieu naturel dont il ne pourra jamais totalement s'affranchir, et qu'il doit créer une nouvelle éthique planétaire pour gérer harmonieusement son avenir. »
Une sorte de pérennisation de L'Odyssée de l'espèce , le fameux documentaire de son ami Yves Coppens, qu'il avait pris la peine de louer publiquement.
« J'ai essayé de “vendre” ma Cité afin que les jeunes y aillent et sachent qui nous sommes, comment se situer eux-mêmes dans l'histoire de la vie, leur donner une idée relative des choses… Henry de Lumley en a adopté et approfondi l'idée. Nous nous sommes associés pour la promouvoir, mais ça n'a pas marché. On a bien essayé Marseille…
– Même avec tout le poids d'un président de la République ?
– J'avais déjà lancé un musée, il faut croire que je ne pouvais en faire deux… Mais tout ça n'a plus aucun intérêt. »
Chirac referme la porte qu'il m'avait entrouverte. Probablement a-t-il peur que ce sujet ne l'emmène trop loin…
Roch-Olivier Maistre, qui a travaillé avec lui de 2000 au début de 2005, est probablement de ceux qui connaissent le mieux le président. Il admet qu'il est difficile de cerner sa psychologie, et quand on s'y essaie, « on a l'impression de s'enfoncer dans un labyrinthe. L'homme est extrêmement secret. Son côté altruiste, qui est réel, lui tient lieu de bouclier. Il aime les chemins de traverse, est attiré par les attitudes de rupture… Il est extraordinairement anxieux, ce qu'on sent dans sa gestion du temps. Il ne ressasse pas le passé, ne se projette pas très loin dans l'avenir. Il est dans l'action, c'est-à-dire dans le futur immédiat. Il a aussi besoin en permanence d'être sécurisé… »
Et l'ancien collaborateur du président de décrire, à titre d'exemple, le cérémonial de relecture de ses discours, le samedi ou le dimanche : le chef de l'État distribuant à chacun de ses collaborateurs un exemplaire du projet déjà retravaillé par lui, disposant ensuite ses crayons de couleur par-devant lui, dans un ordre immuable, et laissant chacun s'exprimer…
« Son rapport à l'art est indissociable de son rapport à l'histoire des hommes, poursuit l'ancien conseiller. Sa maîtrise de la chronologie des civilisations est étonnante. Il est passionné par la préhistoire. Il faut l'avoir vu discuter avec Coppens [l'“inventeur” de Lucy], Henry de Lumley [auteur de L'Homme premier , spécialiste de l'émergence de la pensée conceptuelle et de la domestication du feu], Michel Brunet [l'“inventeur” de Toumaï], pour mieux le comprendre. Il a constamment besoin de tout remettre en perspective. »
J'ai questionné à nouveau Chirac sur sa passion pour l'archéologie, la paléontologie, pour toutes ces sciences qui s'intéressent aux origines de l'homme. Il affirme qu'elle est concomitante à celle qu'il a nourrie pour le musée Guimet.
« Cela m'a toujours fasciné. Je n'ai jamais cessé… Je me souviens de la découverte de Lucy par Coppens en 1972 : ce fut une grande émotion… Je m'étais déjà beaucoup intéressé aux Australopithèques : d'où ils venaient, pourquoi ? des hominidés, pas des hominidés ? J'ai lu, j'ai écouté sur ces questions, en même temps que je m'intéressais à l'Asie. J'ai eu une autre grosse émotion, il y a quelques jours [en septembre 2006], quand on a découvert cette petite fille, cette Australopithèque de quatre ans, entièrement conservée : ça a réveillé en moi cinquante ans de souvenirs ! Il y a très, très longtemps
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