L'inconnu de l'Élysée
Petit Gaillard , journal catholique de Brive-la-Gaillarde, s'en prend lui aussi aux « cabrioles mirlitonnesques » de Louis Chirac : « Il en vient à dire que tous ses lecteurs – rares, du reste – voteront pour son candidat, mais il n'ose pas le nommer. Au fond, il espère que les radicaux de sa teinte blafarde, embarrassés, se résigneront à voter pour lui-même… »
En ces temps politiquement agités, Louis Chirac est de toutes les manifestations, à la fois comme militant et au titre de journaliste. Il relate avec ferveur le rassemblement populaire qui a regroupé plus de cinq mille personnes à Brive, le 14 juillet 1935, et le serment solennel qui a été prononcé, ce jour-là, de « rester unis pour le pain, la paix et la liberté ». Il applaudit quand, après les élections du printemps 1936, il constate que la discipline républicaine a parfaitement été respectée dans l'arrondissement de Brive, même si son ami Chapelle a été obligé de se désister en faveur de Jean Romajon, adjoint au maire socialiste. Le 23 mai 1936, il participe au Congrès de l'Union française pour le suffrage des femmes qui se tient cette année-là à Brive. Il est à la table d'honneur du banquet qui clôt, à l'hôtel Montauban, le rassemblement des féministes. Quelques journaux reproduisent une photo où on le voit au milieu d'un groupe de congressistes sous une banderole proclamant : « Les Françaises veulent voter ! » Il encourage les femmes de Brive qui défilent pour exiger le droit de vote.
Brive peut alors être fière de compter deux Corréziens au sein du gouvernement Léon Blum : Charles Spinasse, ministre de l'Économie nationale, et Suzanne Lecorre, sous-secrétaire d'État à la Protection de l'enfance. Quand, le 14 juillet 1936, tous deux viennent inaugurer, à Brive, le Foyer social de l'enfance, et se retrouvent parmi les militants du Rassemblement populaire qui, l'année précédente, ont fait le serment solennel de rester unis « pour le pain, la paix et la liberté », Louis Chirac rassemble ses plus beaux adjectifs dans un article exceptionnellement long et dithyrambique destiné à célébrer l'événement dans La Dépêche .
Le 25 août 1936 a lieu à Brive un meeting de soutien aux Républicains espagnols, rassemblant plus de cinq cents personnes qui concluent la réunion en entonnant L'Internationale . « Les Républicains et antifascistes de Brive se déclarent solidaires de leurs frères espagnols », écrit dès le lendemain Louis Chirac. Nul besoin de solliciter beaucoup ses écrits pour affirmer qu'il doit être fier de travailler pour un journal qui, dès le déclenchement de la guerre d'Espagne, a consacré toutes ses unes et une part importante de son espace à la défense des Républicains et des brigadistes internationaux venus les soutenir. Il se sent alors en parfaite harmonie avec son journal, sa municipalité, son parti. Brive accueille des réfugiés d'outre-Pyrénées. Comme tous ses amis, il est convaincu que « le fascisme ne passera pas ». Dans La Dépêche datée du 6 janvier 1937, d'une plume enthousiaste, il rapporte les discours tenus à Brignac à l'occasion d'une réunion du Rassemblement populaire. Les envolées communistes et pacifistes ne l'ont pas choqué. Il en est convaincu : « Après une telle journée à Brignac, nous sommes assurés que le fascisme ne passera pas… » En ce même mois de janvier, il est élu président du Syndicat de la Presse briviste et réélu assesseur au bureau du Parti radical-socialiste de l'arrondissement.
Il meurt le 8 mai 1937. Ses obsèques, dignes d'un ministre, qui ont lieu le 11 mai, attirent une foule considérable. De nombreux discours sont prononcés, où il est question du « grand vide qu'il laisse dans le parti radical-socialiste » ainsi que « dans les différentes organisations locales de défense laïque et d'éducation populaire ». Bouffard, son copain d'enfance, devenu directeur de l'autre école publique de Brive, résume en ces termes tout ce qui s'est dit ce jour-là : « … Chirac avait une âme ardente, facilement enthousiaste, une intelligence très vive qui m'a toujours subjugué, un savoir étendu. Doué en même temps d'une énergie qu'accentuait un organe puissant, il avait tout ce qui donne l'autorité […]. Mêlé à la vie publique comme correspondant du journal La Dépêche de Toulouse, il s'était bientôt imposé par la sûreté de ses informations, de ses
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