L'inconnu de l'Élysée
jugements, par la tournure franchement littéraire de ses articles, et, de ce fait, acquit une influence incontestable et souvent heureuse dans les affaires politiques et dans la vie de la cité. » Même les journalistes qui ne partagent pas ses idées louent son « esprit de tolérance et de liberté qui fait la force des démocraties », ajoutant qu'« il défendait ses idées avec une ardeur et un courage qui le faisaient respecter de ses adversaires ; ses polémiques ardentes étaient dégagées du sectarisme étroit et de la calomnie ; il savait toujours garder la mesure et la courtoisie la plus parfaite ».
Un journal signale même, sans citer son prénom, que le petit-fils de Louis Chirac assistait aux obsèques. Le président de la République n'en garde aucun souvenir.
1 Conversation , de Bernadette Chirac avec Patrick de Carolis, op. cit.
2 Ancien grand-maître du Grand Orient de France, ancien patron de la Fnac, décédé dans un accident d'avion en Afrique le 5 février 1987.
3 Les éléments relatifs à la carrière de l'instituteur Louis Chirac ont été puisés dans son dossier administratif déposé aux Archives départementales de Corrèze sous la cote W1801A.
4 Voir la revue régionaliste Lemouzi de 1907, dans laquelle Mielvacque a écrit un long article sur Beaulieu. Après avoir quitté le bourg, il a fait une petite carrière d'écrivain.
5 La première soumettait les congrégations à une étroite surveillance ; la seconde leur interdisait tout enseignement.
6 Un certain Jarrige en était alors secrétaire-archiviste.
13.
Un père sévère, une maman-poule
« Ce soir, je pense à mes parents. Je pense aux patriotes simples et droits dont nous sommes tous issus. J'aurai accompli mon devoir si je suis digne de leur mémoire. » Le 7 mai 1995 à 21 heures, depuis la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville, Jacques Chirac, qui vient d'être élu président de la République, dédie sa victoire à ses parents.
Qui étaient-ils ? Quelles relations entretenait-il avec son père, avec sa mère ? Une meilleure connaissance de ses parents permet-elle d'élucider le « mystère Chirac » ?
Avant même de l'interroger à ce sujet, j'avais pu noter, dans les articles et les livres qui lui étaient consacrés, qu'il était admis que Jacques Chirac avait eu un père très sévère et une mère qui l'avait couvé, voire étouffé de son affection. Dans Les Mille Sources , manuscrit qu'il n'a pas achevé, il donne lui-même une indication importante sur son père : « Il était sûr de lui, plus grand et plus fort que moi, ce qui lui conférait un avantage considérable. » À première question classique (Qui était votre père, et quelles relations entreteniez-vous avec lui ?), réponse également classique.
« Mon père est né en 1898. Il a été mobilisé à 18 ans. Envoyé à Verdun, comme tout le monde. Là, il a été grièvement blessé et laissé pour mort sur le terrain. Ma mère a reçu la lettre… En réalité, il n'était pas mort. Il s'en est sorti. Il est revenu. Il n'avait pas de diplôme, est entré dans la banque, a été directeur de l'agence de la BNCI de l'avenue de la Grande Armée. Parmi les principaux clients, il y avait l'avionneur Henry Potez, qui l'a débauché. Il est ainsi devenu le plus proche collaborateur de ce dernier. En 40, il a fait déménager l'usine de Méaulte, où l'on fabriquait le Potez 63, avant l'arrivée des Allemands. Il était au Canada en juin 40. Il est resté très lié avec Marcel Bloch et Henry Potez… »
Le président dit qu'il tient de son père un respect spontané des gens. Contrairement à son grand-père, dit-il, son père n'était pas franc-maçon – « ça ne l'intéressait pas, mais, en revanche, il éprouvait une espèce d'allergie au racisme et à l'antisémitisme, il n'admettait pas qu'on soit anti-les-autres. Et même à propos des Allemands il disait : “Il faudra qu'on se réconcilie avec eux. Ce ne sont pas les Allemands qui ont tort, c'est leurs chefs.”
– C'est donc lui qui vous a transmis un certain nombre de valeurs.
– On ne peut pas dire qu'il me les a transmises, car chez nous c'était naturel, spontané… Jamais il ne m'a dit : “Il faut être ceci, ou cela.”
– Politiquement, il était quoi ?
– Rien. Rien : il n'a jamais milité dans aucun parti politique. C'était un homme modéré.
– Se montrait-il autoritaire avec vous ?
– Ah oui, il était autoritaire ! Mais
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