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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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Il y avait beaucoup de coins et de recoins pour se cacher. C’était amusant. On était comme des gosses. On entrait par la porte des resserres, à l’arrière du bâtiment. Michael avait fabriqué des faussesclefs. Il était doué pour ce genre de chose. Grâce à ses doigts de chirurgien, disait-il. À la datcha, je racontais que je devais aller répéter afin d’être prête pour le spectacle de la fête régionale. Si quelqu’un venait vérifier, je pouvais toujours me montrer. Ce n’est jamais arrivé. Beilke et Grand-maman Lipa devaient flairer la vérité, mais elles gardaient le secret. Avec Nadia, c’était plus difficile. Peut-être se doutait-elle de quelque chose, elle aussi ? Une ou deux fois elle a voulu m’accompagner. Elle a passé des heures dans le foyer à me faire répéter les mêmes phrases, à me regarder jouer des scènes muettes. Michael se cachait juste à côté. C’était plutôt drôle. Une fois, il s’est endormi dans les coulisses et a failli se faire surprendre par les femmes de ménage.
    â€” Il n’y avait pas de garde, dans le théâtre ?
    â€” Garder un théâtre la nuit, en pleine Sibérie ? De toute façon, ça n’a pas duré très longtemps. Deux mois. Et Michael passait beaucoup de temps hors de Birobidjan. Il continuait ses tournées dans les villages de la région.
    â€” Il partait longtemps ?
    â€” Quelques jours, une semaine. Davantage quand il y avait une tempête de neige. Chaque fois ça paraissait très long. Quand il était de retour, il attachait un ruban rouge au volet de ma chambre, à la datcha.
    â€” Un ruban rouge ?
    â€” Oui. Il le fixait la nuit. Personne ne l’a jamais vu faire. Pas même moi.
    Le souvenir amusait Marina. Elle eut un petit rire. McCarthy et Nixon commençaient à perdre patience. Ils n’étaient pas là pour écouter une romance. Cohn dut le sentir.
    â€” L’agent Apron vous parlait-il de ce qu’il faisait en dehors de Birobidjan ?
    â€” Un peu. Surtout quand il essayait de m’enseigner l’anglais.
    â€” Il vous apprenait l’anglais ?
    â€” Qui d’autre aurait pu me l’apprendre ?
    â€” De quoi parlait-il ?
    â€” Des malades qu’il avait soignés, des gens qu’il avait rencontrés. Et des bêtes. Il les soignait aussi. Il n’y avait pas de vétérinaire, sauf au grand kolkhoze Waldheim. Plusieurs fois, dans les fermes, on lui a demandé de s’occuper des animaux. Ça lui plaisait. Parfois, dans la taïga, il croisait des ours ou des loups. Il les photographiait. Il prenait de très belles photos. Il m’en a offert quelques-unes.
    â€” Ah ? Où sont-elles ? Nous n’avons pas trouvé de photos chez vous.
    â€” Je ne les ai plus… Comment aurais-je pu les garder ?
    â€” Quelqu’un les développait pour lui ?
    â€” Non, il s’en occupait lui-même. Il avait installé un petit laboratoire à l’hôpital. Je vous l’ai dit, il montait tout un dossier sur les épidémies du Birobidjan. Il prenait des clichés des malades, de leurs maisons, des terrains autour des fermes…
    â€” On le laissait faire ?
    â€” Oui.
    â€” Il allait près de la frontière mandchoue ?
    â€” Oui, il aimait rouler le long du fleuve Amour. Mais là, il était interdit de faire des photos.
    â€” Il ne vous a jamais dit qu’il franchissait le fleuve et traversait la frontière ?
    â€” Non.
    â€” Vous ne vous êtes doutée de rien ?
    â€” Doutée de quoi ? Qu’il était un espion ? Non. Il ne se cachait de rien. Ses photos, on les connaissait. Il en punaisait sur les murs de l’hôpital. Les femmes lui demandaient de les photographier avec leurs enfants. Bien sûr, plus tard, quand j’ai su… quand il m’a dit. Mais ça n’avait pas d’importance…
    â€” Qu’est-ce qui n’avait pas d’importance ? Je ne vous comprends pas.
    â€” Vous croyez que je pensais à le soupçonner ?
    â€” Vous auriez pu…
    â€” Vous avez déjà été amoureux, monsieur ?
    â€” Miss Gousseïev !
    â€” On passait très peu

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