L’Inconnue de Birobidjan
relation de confiance a été extrêmement difficile à établir. Obsédée par le désir de retrouver Apron, M. A. Gousseïev ne voulait pas retourner au Birobidjan, au risque dâattirer à nouveau lâattention du NKVD sur elle. Jâai alors décidé dâintervenir en me présentant comme un ami dâApron.
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Cit. :
M. A. Gousseïev  : Vous le connaissez ? Vous connaissez Michael ?
Moi  : On est amis.
M. A. G.  : Je ne vous crois pas.
M  : Pourquoi ?
M. A. G.  : Michael mâaurait parlé de vous.
M  : Non. Il ne vous a pas confié quâil espionnait. Il ne pouvait pas tout vous dire.
M. A. G.  : Comment savez-vous quâil était espion ?
M  : Marina Andreïeva ! Le NKVD lâa arrêté avec du matérielâ¦
M. A. G.  : Vous étiez là  ? Vous savez qui a placé ce transmetteur dans notre isba ? Ou alors vous êtes lâun dâeux ?
M Â : Non, je ne suis pas du NKVD.
M. A. G.  : Vous pouvez le prouver ?
M Â : Non.
M. A. G.  : Vous voyez. Pourquoi vous ferais-je confiance ?
M  : Et moi, pourquoi est-ce que je vous croirais ? Peut-être que le NKVD vous a libérée parce que vous travaillez pour lui ? Après tout, vous nâavez fait que dix-huit mois de camp. Pour la complice dâun espion américain, ce nâest pas si cher payé.
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Le contact entre nous a failli être rompu plus dâune fois. Il était, dans cette période, très difficile de soutenir une conversation avec M. A. Gousseïev. Son agressivité était difficilement contrôlable. Je dois dire que son comportement pouvait rendre un homme extrêmement mal à lâaise. Néanmoins, pour la raison invoquée ci-dessus et la nécessité où jâétais de quitter Khabarovsk, jâai décidé de lui dévoiler mon intention dâorganiser lâévasion dâApron.
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Cit. :
M. A. Gousseïev  : Vous savez où est Michael ?
Moi  : Oui.
M. A. G.  : Où ?
M  : Je vous le dirai quand je serai sûr de pouvoir compter sur vous. Si vous me suivez à Vladivostok.
M. A. G.  : Si vous voulez coucher avec moi, câest plus simple de le demander.
M  : Je veux libérer Apron. Vous pouvez mây aider. Mais il faut que vous cessiez de faire lâidiote.
M. A. G.  : Quâest-ce que ça vous rapporte, dâaider Michael ?
M  : Je vous le répète. Câest un ami.
M. A. G.  : Vous mentez.
M Â : Ã vous de juger.
M. A. G.  : Regardez-moi. Ce que vous voyez, câest une femme morte. Ce qui vit en moi, câest Michael. Si vous cherchez à le trahir, je vous tuerai.
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Le 16 avril, Marina Andreïeva Gousseïev mâa accompagné à Vladivostok. Son passeport intérieur comportait la notification de sa peine de dix-huit mois de Goulag et elle était susceptible à tout moment dâêtre arrêtée par la milice. Selon la voie habituelle, je lui ai fourni un nouveau passeport intérieur soviétique. Sa nouvelle identité a été lâoccasion dâune autre dispute, car elle voulait porter le nom dâApron.
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Cit. :
M. A. Gousseïev  : Je suis la femme de Michael. Nous nous sommes mariés au Birobidjan, à la synagogue.
Moi  : Vous ne pouvez pas porter ce nom. Il ne sonne pas russe. Câest trop risqué.
M. A. G.  : Comme si votre nom sonnait russe ! Nous sommes juifs. Notre nom est juif. Votre ami Apron est juif. Vous ne le saviez pas ?
M Â : Je mâen fous. Apron nâest pas votre nom.
M. A. G.  : Si ! Pour le restant de mes jours.
M  : Pensez à ça : sâils vous arrêtent, ils mâarrêteront aussi. Plus personne ne pourra aider votre mari à sâévader.
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Sous sa nouvelle identité (M. A. Ovaldian) M. A. Gousseïev a pu se présenter aisément comme la veuve de mon neveu mort sur le front de la « guerre patriotique ». Une situation banale et plausible en raison de notre différence dââge.
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Le 26 ou le 27 avril, la radio a annoncé la mort dâHitler. Comme à chaque grande victoire, Vladivostok a été en liesse. Jâai
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