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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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aria
    L’anima ho millionaria 2 .
    Â 
    Marina n’en revenait pas. Elle avait envie de rire et de battre des mains telle une enfant émerveillée. Un nouveau masque, un nouveau Staline. Et à celui-ci, qui pouvait résister ?
    Les applaudissements engloutirent l’accord final. Staline salua. Ses yeux dorés pétillaient de plaisir. D’un geste, il ordonna à Vorochilov d’approcher pendant qu’il disposait un nouveau disque. Un vieux chant de la liturgie orthodoxe, le Mnogaya Leta, vibra dans le pavillon du gramophone. Staline et Vorochilov s’enlacèrent par la taille. Vorochilov se révéla un baryton honorable, leurs deux voix se complétaient avec élégance. Au troisième refrain, l’Oncle Abel, Boudionny et Sergo Ordjonikidze se levèrent pour rejoindre le duo. La musique du disque disparut sous lapuissance de leur chant. Les poitrines des convives vibrèrent. C’était beau, tendre comme une émotion oubliée. Cela s’acheva dans un tonnerre de rires, de bravos et de verres entrechoqués.
    Après quoi, comme si c’était là le programme attendu, les chaises, la table et les fauteuils furent repoussés. En un clin d’œil, la salle fut transformée en piste de danse. Staline tourna la manivelle du gramophone, déposa un nouveau disque sur le plateau. Des tambourins, des flûtes et un violon entrelacèrent leurs notes dans un rythme sautillant. Une main s’empara des doigts de Marina. C’était le beau Mikoïan, tout sourire.
    â€” Marina Andreïeva, vous ne connaissez pas la lezguingka ? Venez, venez, ne soyez pas timide. Je vais vous montrer.
    Mikoïan la poussa entre les couples qui se formaient. Il y eut une légère bousculade. Staline et Egorova étaient déjà en piste, les autres s’efforçaient de prendre le rythme. Marina se concentra sur les indications de Mikoïan. Il dansait remarquablement, le corps souple et droit, sans la serrer de trop près et ferme dans son contact. La lezguingka était une danse tout en pirouettes et sautillements. Il fallait aussi entrecroiser deux pas avec son partenaire. Marina trébuchait, se trompait, riait lorsqu’elle devait se retenir à Mikoïan. Il n’en profitait pas, la relançait et l’encourageait, sérieux comme un professeur.
    â€” Hop, hop, et voilà ! Encore un tour, Marina Andreïeva… Ne perdez pas ma main. Bien, bien ! Regardez-moi ça comme vous apprenez vite ! Voilà une bonne nouvelle, vous êtes née pour la danse autant que pour le théâtre.
    Demeuré assis dans l’un des fauteuils mis à l’écart, le vieux Kalinine riait de tout son soûl. Il accompagnait les pirouettes de son verre vide. La lezguingka s’achevait par un rythme endiablé. Marina s’efforça de suivre Mikoïan. Se mordant les lèvres, elle s’agrippait à son poignet. Maintenant, il la pressait contre lui à chaque occasion.
    â€” Hop, hop, hop ! Magnifique, splendide !
    Il lui empoigna la taille et la souleva du sol. Elle reçut son souffle chaud sur ses épaules nues. À une longueur de bras, Staline soulevait Egorova tout pareillement. Leurs yeux se croisèrent le temps d’un éclair. Marina crut lire un encouragement dans ceux d’Egorova.
    La danse cessa d’un coup, alors qu’elle ne s’y attendait pas. Marina chancela, dégrisée, en proie au vertige. Dans un réflexe, sa main chercha la nuque de Mikoïan. Il la retint, hanches soudées, poitrine contre poitrine.
    Elle eut la présence d’esprit de ne pas lever le visage vers lui et de s’écarter fermement. Rires et applaudissements autour d’eux. Sans doute s’adressaient-ils autant à l’habileté de Mikoïan pour dompter une partenaire qu’à Marina.
    Les verres se remplirent de vodka. Vorochilov réclama une polka. Staline plaça un nouveau disque sur le gramophone. Sergo Ordjonikidze, crinière de lion, profil de prince, s’empara de la main de Marina avant que Mikoïan puisse protester. La douceur de ses paumes, pourtant habituées au maniement des armes, surprit Marina. À leurs côtés, les couples se formaient. Cette fois, personne ne resta seul. Nadedja Allilouïeva réclama l’Oncle Abel. La bouche ouverte sur un large sourire, elle ne paraissait plus du

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