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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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d’où venait sa soif d’épingler ces pauvres gens à son tableau de chasse, mais elle ne paraissait pas près d’être étanchée.
    Quand il fut debout, il attaqua sans attendre :
    â€” Maria Apron, êtes-vous membre ou avez-vous été membre du Parti communiste ?…
    â€” Non.
    â€” Vous n’êtes pas membre du Parti communiste des États-Unis ?
    â€” Non, bien sûr que non.
    â€” Et vous ne l’avez pas été ?
    â€” Non.
    â€” Pas même dans un autre pays que les États-Unis ?
    â€” Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
    â€” Vous n’êtes pas membre du Parti communiste de l’URSS ?
    â€” Non. Comment pourrais-je l’être ?
    â€” Vous avez prêté serment devant cette commission, Miss Apron . Je vous repose ma question : êtes-vous membre du Parti communiste de l’URSS ?
    â€” Non, je ne le suis pas et je ne l’ai jamais été.
    Sa voix avait changé. Le regard de Cohn aussi. Quelque chose s’était passé entre eux qui nous échappait. Il y avait un piège différent de d’habitude dans les questions du procureur. Elle l’avait déjà compris.
    â€” Êtes-vous un agent soviétique, Miss Apron ?
    â€” Non. Je suis une actrice, c’est tout.
    â€” Depuis quand êtes-vous aux États-Unis, Miss Apron ?
    â€” Je viens de vous le dire. Vous avez mon passeport.
    â€” Vous êtes née aux États-Unis ?
    â€” Oui.
    Cohn approuva, étala son sourire d’ange.
    â€” Vous mentez.
    Il leva la main droite en montrant un passeport vert. Il s’adressa aux sénateurs :
    â€” Le témoin a remis ce passeport aux agents du FBI. Elle leur a déclaré s’appeler Maria Magdalena Apron, comme elle vient de le faire ici sous serment. Nous avons effectué une vérification. Aucune Maria Magdalena Apron n’est née le 10 octobre 1912 à Grosse Pointe Park, Detroit. Le FBI est formel : ce passeport est un faux. Un faux d’excellente qualité, mais un faux tout de même.
    On avait beau ne pas être nombreux dans la salle, chacun y alla de son exclamation. Cohn pointa le passeport sur la femme et cria dans le micro pour se faire entendre.
    Wood fit tomber le maillet deux ou trois fois afin de rétablir le silence. J’avais une bonne place, sur le côté gauche de la femme, suffisamment de biais pour voir son visage. Le bleu de ses yeux s’assombrit. La poudre de son maquillage ne masquait plus ni ses rides ni sa pâleur. J’imaginais ce qu’elle ressentait. Ça devait faire une drôle d’impression de se rendre compte que sa vie était entre les mains d’un gosse à tête de gigolo. Cohn adorait jouer de cette surprise. Avant que le silence revienne, il demanda :
    â€” Qu’est-ce que vous faites dans notre pays ? Qui êtes-vous ?
    Il réussissait sa scène. Les sénateurs et mes collègues jubilaient déjà à l’idée des gros titres du lendemain. Cependant l’inconnue resta de marbre. Ses doigts pressaient un mouchoir blanc sur la table.
    Wood abattit encore son maillet.
    â€” Vous devez répondre aux questions qu’on vous pose, Miss je-ne-sais-pas-qui. À la minute même, vous êtes en état de parjure pour avoir déclaré un faux nom, et la Commission peut réclamer dès à présent votre arrestation…
    On se doutait qu’il n’en ferait rien. Tout le monde était trop excité de connaître la suite. Cohn avait encore de quoi surprendre. Il agita de nouveau le passeport.
    â€” À la demande du cabinet du procureur, le FBI a mené des recherches sur ce document. Son numéro correspond à un lot de quatre passeports « en blanc » établis par l’OSS pour l’un de ses agents. Ce qui explique sa qualité… Pour mémoire, je rappelle à la Commission que l’Office of Strategic Services a été chargé du renseignement sur les activités d’espionnage de l’URSS jusqu’en 1947 et la création de la CIA. Il y a huit ans, en 1943, un agent de l’OSS a été infiltré chez Staline. Il s’appelait Michael David Apron.
    Wood n’eut pas à faire résonner son maillet. Pendant une poignée de secondes,

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