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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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qui l’ignoraient sont au courant, désormais.
    â€” C’est difficile de le croire, pourtant, moi, je l’avais oublié.
    â€” Oh, dans ce pays, il y a tant de papiers sur lesquels il faut inscrire son nom !
    â€” Ne fais pas semblant, Lioussia. Je sais lire. Je savais ce que je signais. Je devais même être un peu d’accord.
    â€” À quoi bon revenir là-dessus ?
    â€” Je veux que tu saches.
    Dans la pénombre, elle devina son sourire.
    â€” Marinotchka, mon cœur… Seuls les très purs bolcheviks croient qu’il est absolument nécessaire de tout savoir.
    â€” J’ai eu peur, Lioussia. J’avais peur d’avoir des problèmes pour travailler si je ne signais pas. C’était déjà difficile sans ça.
    â€” Je sais… On devrait aller dormir, je suis éreinté.
    â€” J’imagine ce qu’ils peuvent penser. L’antisémite couchant avec Alexeï Jakovlevitch Kapler quand elle ne sait plus où trouver un toit.
    â€” Kapler couche avec qui il veut. Tout Moscou sait ça ! Et tant mieux.
    â€” Mais j’ai lu les pétitions. Je savais ce qu’elles signifiaient. Ça ne m’a pas choquée. Je trouvais ça normal. Sans importance. Des choses qu’on dit par réflexe. Qu’on écoute sans broncher.
    Il rit en se relevant. Un rire plus franc, cette fois. Il l’attira à lui.
    â€” Ne t’en fais pas. Tu es mon antisémite préférée. À petites doses, ces saloperie ont du bon, tu sais. Sinon, comment se souviendrait-on qu’on est juifs ? Qu’on l’est éternellement, avant d’être né et après notre mort ? C’est une histoire trop ancienne pour qu’on y échappe.
    â€” J’ai pensé venir m’excuser pendant qu’ils étaient tous là.
    â€” Tu aurais pu. Je crois que ça leur aurait plu.
    â€” Je n’en ai pas eu le courage. Leur air, quand je suis arrivée… Je n’ai pas pu. Ce n’était pas possible.
    â€” Bien sûr. Et mets-toi ça en tête : je ne te demande pas d’excuses, Marinotchka. Je sais qui tu es. Ça me suffit.
    Alexeï Jakovlevitch s’endormit comme une masse. Marina mit longtemps à trouver le sommeil. Elle ne cessait de repenser aux réponses que lui avait faites Lioussia. Plus elle y pensait, plus elle était certaine qu’à leur rencontre il ignorait qu’elle avait signé ces torchons antisémites. Il ne l’avait appris que ce soir. De la bouche de ceux qui étaient là.
    Â 
    Au matin, dans la douceur du réveil, ils firent l’amour. Un désir et une tendresse qui ne semblaient pas différents de ce qui les avait noués pendant des semaines. Pourtant, Marina le devina : c’était là des caresses d’adieu.
    Tôt ou tard, cela devait arriver. Elle le savait depuis leur premier baiser. Kapler était Kapler. Son besoin de liberté, son goût de la séduction l’emporteraient éternellement vers de nouvelles amantes. Kapler lui avait offert six mois de bonheur. Que cela s’achève ne pouvait être une surprise. C’était déjà un immense cadeau de la vie.
    Elle tenta de se persuader que la soirée de la veille et les pétitions antisémites n’y étaient pour rien. Mais c’était un mensonge. Impossible de se raconter des histoires.
    Leur séparation fut cependant douce et naturelle. Kapler se rendit au commissariat à la guerre. Là, on l’adressa à la rédaction de Kranaïa Zvezda , «  L’Étoile rouge  ». Ce journal de l’armée était devenu le plus lu de l’URSS. On faisait la queue dans le gel le jour de sa parution. Ses articles étaient rédigés sur le front même. Les journalistes étaient des écrivains. Les plus célèbres d’entre eux étaient des Juifs, comme Vassili Grossman ou Ilya Ehrenbourg. Ils prenaient tous les risques pour montrer la guerre et l’héroïsme des soldats soviétiques. Leurs reportages paraissaient peu censurés.
    Kapler fut aussitôt envoyé sur la Volga. Il n’annonça la nouvelle à Marina que le matin de son départ. Il refusa qu’elle l’accompagne à la gare.
    â€” Pas d’adieu ni d’au revoir pour nous, Marinotchka. Ces

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