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L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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et
déconcerté. Mais si vous n’y parvenez pas, qu’adviendra-t-il de moi ?
    — J’y parviendrai, car vous êtes un homme de bonne foi.
Nous parlerons ensemble aussi longtemps qu’il le faudra. L’espoir de vous
convaincre m’émeut grandement. Voyez, j’en tremble.
    — Que voilà d’agréables sentiments, dit Gui de l’Isle,
ses doigts bagués croisés devant sa figure tout à coup réjouie. Le temps de
Pâques est le plus doux de l’an et le meilleur qui soit pour philosopher. C’est
décidé : je vous accueillerai tous les deux dans les jardins de mon palais.
Qu’en penses-tu, Jacques ? Les chants d’oiseaux inspirent joliment les
vérités célestes.
    — Gros homme, foi de singe, grogna Novelli, l’air
méprisant. Tes minauderies sont grotesques. On dirait que nous ne sommes pas
faits de même viande, toi et moi. La moindre phrase sort de ta bouche comme un
bouquet de dame. Je déteste les guirlandes. Elles encombrent. Elles mentent.
    — À toi les mots viennent armés, ils blessent, répondit
Gui de l’Isle, regardant Jacques de haut et s’efforçant à la fierté.
    Son frère trop vif agita la tête comme pour se défaire de la
colère subite qui rougissait sa figure.
    — Pardonne-moi, dit-il. Tu m’as fait mal, avec tes airs
de douairière. Les mots qui ne sortent pas du fond de la poitrine me mettent
hors de moi. Ils ne vivent pas, s’ils ne sont pas passés par le feu de l’âme, comprends-tu ?
Je les entends comme des insultes.
    Il eut un mouvement apparemment fortuit, son épaule heurta
celle de Gui et y resta accolée un moment. Autrefois, au collège de Rome, ils
se tenaient ainsi parfois, chaudement joints, pour combattre le mal d’exil. Depuis,
ils n’avaient jamais su exprimer autrement leur ombrageuse fraternité. Gui de l’Isle
ne s’écarta pas de lui. « Me voilà pardonné », pensa Novelli. Il
revint au juif qui avait suivi leur brève dispute avec, dans l’œil, une
vivacité un peu inquiète, un peu amusée.
    — Maître Salomon, dit-il, si vous me promettez de ne
pas quitter Toulouse, vous sortirez d’ici quand il vous plaira.
    — Quitter Toulouse ? Comment le ferais-je ? Vos
soldats auraient tôt fait de rattraper ma vieille mule. Je reste en votre
pouvoir, maître Novelli. Puisque vous en avez ainsi décidé, je vous écouterai
et je vous répondrai ce que le feu de l’âme, comme vous dites, m’inspirera. Je
n’ai pas votre haine du mensonge. Je suis plutôt porté à m’émerveiller des
ruses de la vérité, qui me semblent inépuisables, mais je promets de ne pas
vous mentir. Ainsi, au bout du compte, il se peut que, de bonne foi, je ne
puisse pas vous rendre les armes. Que ferez-vous alors ? Pouvez-vous me
promettre à votre tour d’accepter votre défaite, et de me laisser aller
librement ?
    Novelli ne répondit pas. Il regarda Salomon, les yeux
mi-clos, et souriant d’un air de défi. Alors l’évêque Gui, à nouveau jubilant, flatta
l’encolure raide de son compère, à petits coups, et dit :
    — Voilà un adversaire à ta mesure, mon Jacques. Il est
aussi obstiné que toi. Je gage qu’il ne démordra pas de son judaïsme, et que tu
devras le condamner à la prison perpétuelle. Mais ne vous désespérez pas, maître
Salomon. Si vous l’excitez assez, ce chien de Prêcheur est fort capable de ne
point vous lâcher et de se mettre au cachot avec vous pour continuer à débattre
du salut de l’âme et de la bonté du Ciel jusqu’à ce que les rats et les
vermines vous fassent tous les deux tomber en poussière.
    — Je serais un saint, si je faisais cela, murmura
Novelli, le front plissé et le regard errant dans l’ombre peuplée de soldats et
de pauvres gens, au-delà des grilles.
    Le juif ne l’avait pas quitté des yeux, cherchant avidement
à deviner ses pensées, ses failles, ses doutes. Alors Novelli, soudain, le
regarda droit et murmura, à voix rauque :
    — Maître Salomon, voulez-vous que je m’engage à vous
suivre comme ce gros porc l’a dit, si je ne parviens pas à vous convertir ?
    — Non, répondit Salomon. Vous me seriez insupportable.
    Il toisa Novelli avec une fierté mélancolique et moqueuse. L’autre
eut un air de coq piqué et se raidit à même hauteur. Ils restèrent un moment
affrontés dans une belle complicité d’ennemis, tandis que Gui de l’Isle, riant
énormément, s’en allait secouer la grille de la salle commune en demandant aux
soldats qu’on lui amène Vitalis le

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