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L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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Qu’en pensez-vous, monseigneur
Gui ?
    Gui de l’Isle s’était dressé dans un grand élan de
fureur, aux premiers éclats de ce discours, mais les mines, grimaces et
pirouettes du bateleur le surprirent si fort qu’il en suffoqua avant d’en rire
à petites quintes scandalisées, la bouche ouverte et tenant son ventre à deux
mains. Novelli écouta Vitalis avec l’amusement distant d’un noble à la parade
foraine puis, la tête dans l’escalier, s’en fut appeler les soldats de la garde,
car des recoins de la prison, maintenant, montaient de remuants murmures et de
brèves paroles à l’adresse du bateleur et de l’évêque, coups d’aiguillons
sournois, ricanements violents.
    — Quel est ce bouffon ? demanda Gui de l’Isle.
    — Votre futur serviteur, si j’en crois la bonne humeur
qui vous rougit la figure, répondit Salomon.
    — Hé, je vous le laisse. Il est trop roué. Je ne
vivrais pas tranquille de savoir ce mauvais lutin semer sa joie panique dans
les couloirs de mon palais. Si vous faites ce qu’il faut pour sortir d’ici, et
si vous répondez de lui, vous l’amènerez avec vous.
    — Mon maître, hurla Vitalis, serez-vous assez fou pour
refuser d’échanger cette turne contre deux paradis ? On ne vous demande
que patenôtres, courbettes de bon aloi et sentiments honorables. Soyez un peu
saltimbanque, par pitié ! La corde est bien tendue, dansez, mon maître, dansez !
    Les soldats appelés ouvrirent les grilles, envahirent l’ombre
de la salle commune dans un grand piétinement ferré et poussèrent les
renâclements, murmures et jurons rétifs contre les murs, à coups sourds de manches
de piques et de trousseaux de clefs. Novelli attendit que s’éteignent les
derniers bruits, immobile et buté comme s’il voulait aider, du front et du
regard, les hommes d’armes, puis il reprit sa place en face de Salomon.
    — Vous errez encore en aveugle, lui dit-il. Il faut
maintenant que les écailles tombent de vos veux. Il est vrai que de très
mauvaises bêtes vous ont contraint d’entrer dans notre cathédrale, mais il m’est
impossible d’estimer que ce fut pour votre malheur. Les circonstances
tumultueuses qui vous ont conduit à nous ne sont fortuites qu’en apparence. Il
ne faut pas croire au hasard. C’est Dieu, en vérité, qui vous a choisi parmi
votre peuple, vous ne pouvez nier cela. C’est Lui qui vous a poussé au pied de
l’autel, brutalement, certes, mais Il fait ainsi, parfois, avec ses enfants les
plus chers. Ne tentez pas de pénétrer Ses desseins, vous ne feriez qu’aggraver
votre aveuglement. Obéissez à Son évident désir de vous voir catholique. Relevez
la tête et regardez-nous fraternellement. Le Tout-Puissant se tient maintenant
derrière vous, entre votre vieille vie et ce présent où je vous parle. Avez-vous
dit que vous mourriez plutôt que de quitter vos oripeaux hébraïques ? Craignez
plus encore de perdre le sens, si vous allez contre Celui qui gouverne nos vies.
    — J’obéis à la loi judaïque parce que c’est par elle
que je me tiens au monde, répondit Salomon. Cependant, je sais que je
survivrais, même privé de ma peau et de mon nom, s’il le fallait. Même dans une
maison où l’esprit de mes pères ne serait plus, je ne mourrais pas de froid, car
en moi sont aussi des choses inexprimables qui peuvent nourrir ma vie hors des
synagogues, dans la simple volonté du temps. Je ne suis pas aussi férocement
religieux que vous, maître Novelli. S’il me faut choisir entre la prison et l’église,
j’entrerai à l’église. Mais vous n’aurez de moi, devant vos croix et vos
cierges, que les grimaces d’un hypocrite. Voulez-vous cela ?
    — Vous n’avez pas une figure à singer des jouissances, et
je ne suis pas homme à me satisfaire d’une putain : j’aime trop. Nous
vivons de feu vrai, vous et moi. Vous détestez les musiques fausses, et je n’ai
d’autre désir que de faire de vous mon frère, parce que c’est la volonté de
Dieu.
    — Votre désir est absurde. Votre foi n’a nulle part où
s’accrocher dans mon esprit. J’ignore tout de la loi catholique.
    — Voulez-vous que je vous l’enseigne ? Donnez-moi
la main, maître Salomon, et, dites-moi : si je vous prouve, par nos
communes Écritures, que les vertus de notre Église sont salutaires et dignes de
tout l’amour du monde, accepterez-vous, de cœur et d’âme, d’obéir à ses lois ?
    — Sans doute, répondit Salomon, tout hésitant

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