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L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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commune. Il ajouta, hochant sa tête ébouriffée :
    — Vous recevez de bien grands personnages, maître
Salomon. Assurément, vous n’êtes pas un prisonnier ordinaire.
    Ces paroles lui firent du bien. Il était, en effet, un juif
considérable. On ne pouvait le traiter comme un truand. Il se dit que Novelli, sans
doute, regrettait sa rigueur, et qu’il allait maintenant le reconduire dehors.
    Il s’imagina sortant de prison, environné d’excuses. Il se
sentit un peu renaître et serra la main du jeune homme en balbutiant quelques
paroles de gratitude. L’autre n’en comprit pas la raison, mais sembla content
de le voir bien disposé à son égard. Il regarda son bonhomme avec un sourire
perplexe et une belle envie, soudain, de s’en faire un ami.
    Ce bateleur était d’ordinaire un moqueur impénitent, mais
dans la situation où il se trouvait, jeté par malchance en ce mauvais lieu où
nul ne se préoccupait de lui, et sans espoir d’en sortir si quelque bonne
fortune ne l’y venait pas chercher, une pareille alliance pouvait être une
aubaine et méritait que l’on flagorne un peu.
    Il prit donc la torche des mains de Salomon et le guida, le
long de la galerie, avec des prévenances exagérées.
    — Vous serez bientôt libre, lui dit-il. Tout à l’heure,
j’ai entendu Gui de l’Isle se disputer, à votre sujet, avec l’inquisiteur
Novelli, derrière la grille. L’évêque semblait très inquiet et furieux d’avoir
Salomon d’Ondes dans sa prison. Par malheur, il n’en va pas de même pour moi. Les
juges de Toulouse ont oublié mon existence, et monseigneur Gui n’a jamais su
mon nom. On m’appelle Vitalis. On dit parfois : le Troué. Je suis limeur
de petites rognes et détrousseur, à l’occasion, de badauds presque aussi
pauvres que moi. Voler un riche m’aurait déjà fait pendre, Dieu garde. J’aurais
un corbeau sur l’épaule, à l’heure présente, et point votre bonne main. Maître
Salomon, si vous voulez parlez en ma faveur à l’évêque, qui semble vous estimer
beaucoup, je jure d’être votre serviteur jusqu’au bout de ma vie, et de ne plus
écrire que des chansons d’amour.
    Le bateleur dit ces derniers mots à voix basse, car ils
arrivaient au seuil de la salle commune. Salomon d’Ondes en fut tant ému que
les larmes lui montèrent aux yeux. « S’entendre demander de l’aide quand
on se croit un paria, se dit-il, est un des plus doux bienfaits de Dieu. »
Il épousseta ses vêtements avant de s’avancer dignement vers ces gens qui l’attendaient.
Les prisonniers assis contre la muraille lui firent une escorte de regards
envieux. On ouvrit devant lui la grille. Dans le vestibule, il se sentit déjà
plus qu’à moitié sauvé de la perdition. Mais la poisse de cette cave était
encore pesante sur son dos. Il pensa qu’il venait de goûter l’amertume et le
miel de ces leçons que seules donnent les misères de l’ombre. En un soupir, il
se promit de méditer comme un livre profond, quand il aurait rebâti sa maison, ce
grand moment noir.
    L’évêque congédia d’un geste les soldats de garde et le fit
asseoir très civilement en face de lui et de son compère Inquisiteur.
    — Maître Salomon, lui dit Novelli, je vous apporte le
salut de mon oncle Arnaud, à qui je viens de rendre visite dans la chambre où
il se meurt. Il vous aime, et m’a demandé de vous dire son grand espoir de vous
voir accepter l’amitié de Dieu.
    — Monseigneur Arnaud est un homme de beau savoir et de
grande bonté, la paix sur lui, répondit Salomon. Dites-lui, quand vous le
verrez à nouveau, que je me souviens avec reconnaissance des jours d’été, au
pré de l’Oratoire, où il m’enseigna la science des vieux philosophes d’Alexandrie
et d’autres bonnes choses qui me nourrissent encore. Il fut un maître indulgent
et profond, car il savait faire goûter la vie. S’il n’avait pas été malade, j’aurais
cherché refuge auprès de lui, dans le malheur où m’a mis cette foudre qui m’est
tombée dessus. Je suis sûr qu’il m’aurait offert ses mains et son bon sourire. Il
m’aurait condamné au repos parmi ses livres, point à cette nouvelle pénitence
où vous m’avez mis.
    — Je vous ai fait conduire ici pour vous garder d’un
grand danger, dit Jacques Novelli. Vous alliez quitter Toulouse et retourner à
votre vieille vie. Cela ne peut pas être. Le baptême a fait de vous un nouvel
homme.
    — Dois-je entendre, maître Novelli, que vous

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