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L'inquisiteur

L'inquisiteur

Titel: L'inquisiteur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Gougaud
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de ses doigts :
    — Maître Salomon, je ne goûte guère ces vulgarités de
carrefour qui semblent vous plaire si fort, pardonnez-m’en. Seule me préoccupe
l’urgente nécessité de nourrir votre âme, et de sauver votre insouciante
personne de la dure prison qui vous menacera bientôt, si vous persistez à faire
l’oiseau.
    — Vous semblez tout à coup me détester, monseigneur, répondit
Salomon avec une douceur craintive. Pourquoi ? Vous ai-je fait quelque
peine ?
    Novelli s’agita sur son tabouret, remua l’air d’un revers de
main.
    — Que vous importent mes humeurs ? Je crois savoir
que vous ne les redoutez pas. Mieux vaut, pourtant, ne point les aiguiser. Parlons
de Dieu, s’il vous plaît.
    — Parlons de Dieu, maître Novelli. Cherchons ensemble
les fruits de sa bonté et le vent, peut-être, tournera.
    Il eut un sourire de paix offerte. Novelli baissa les yeux, pensant :
« Ce jean-foutre veut me séduire. Il me croit assez sot pour tomber dans
sa poche. » À nouveau il regarda Salomon. Cet homme ne ressemblait pas aux
paroles du bateleur. Se pouvait-il que Vitalis, tout à l’heure, l’ait
entortillé, lui ait menti, par pure malice ? Il dit, la voix hésitante et
l’air faussement distant :
    — Maître Salomon, croyez-vous que je sois vulnérable ?
    — Vous l’êtes, maître Novelli, malgré vos airs de grand
couteau, vous l’êtes, et je vous estime pour cela. Vous me semblez peu
raisonnable, et c’est heureux, car la raison est une armure que les choses
divines ne peuvent traverser. Vous, je sens bien que le souffle de Dieu vous
fouette l’âme. Oui, vous êtes vulnérable, comme je le fus longtemps, et le suis
encore, parfois.
    Ils restèrent un moment silencieux, Salomon d’Ondes méditant
et souriant fugacement des pensées qui lui venaient, et Jacques Novelli l’observant,
tête basse, comme un écolier rusé. Il se sentait rétabli dans sa confortable
fierté, mais n’avait pas tout à fait désarmé : les regards du juif étaient
d’une bienveillance un peu trop moqueuse. Cet homme, en vérité, n’était pas de
bonne volonté. Les épreuves de ces derniers jours l’avaient amaigri, usé, mais
il portait son usure comme un fardeau de songes infinis, avec la simplicité de
ceux qui n’espèrent rien. « Comment faire frémir cette figure, pensa
Novelli, cherchant une brèche par où insinuer son feu, comment allumer ces yeux,
éveiller dans ce corps le tremblement, la vague sacrée qui pousse vers l’autel
un frère nouveau et le fait tomber à genoux, vaincu, en grand abandon confiant,
en certitude de vérité ? »
    Salomon semblait ronronner, enfermé dans sa foi secrète, et
savourant paisiblement ses rêveries. Jacques sentit monter en lui une
irritation nouvelle et salubre. Il leva haut la tête, assura ses coudes sur la
table et engagea la dispute avec une prudente vaillance : l’animal était
capable de feintes imprévisibles. Il ne fallait pas l’effaroucher.
    — Mon bon ami, je vous ai dit ces jours derniers la
vraie doctrine de notre sainte Église. Vous m’avez écouté avec une indulgente
attention, mais j’ignore encore les sentiments que vous ont inspiré mes paroles.
    Le juif croisa les mains, baissa les yeux, se mit à peser
des mots dans son esprit. Il n’avait plus, soudain, cet air de malice qui
embarrassait tant Novelli. Il resta longtemps penché, puis se redressa. Ses
épaules parurent s’élargir et la lueur de la bougie qui illuminait son front
lui vint dans le regard. Il dit :
    — En vérité, je n’ai pas entendu vos arguments, car il
est entre nous un obstacle qui nous condamne à la séparation. Ma bouche tremble
de vous parler ainsi, monseigneur, mais je ne peux me dérober, car si vos
paroles ne m’ont pas atteint, l’ardeur et la sincérité que vous avez mis à
faire de moi votre frère depuis que nous cherchons ensemble une vérité commune
ont profondément touché mon cœur, et m’interdisent maintenant de vous mentir. Ainsi,
écoutez : maître Novelli, je crois que les doctrines ne pèsent rien. Autre
chose commande nos actes et nos pensées, l’âme des mots peut-être. Peut-être
Dieu est-il cela : l’âme des mots. S’il nous conduit les uns vers les
autres, ou nous retient, ou nous appelle à Lui, ce n’est point par bruit de
phrases, mais par un souffle très léger auquel, pourtant, on ne peut résister. Si
donc je dois venir un jour dans votre Église, je n’y serai pas poussé par

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