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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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d’aplomb que lors de cette soirée, un simple galop d’essai.
    — Vous a-t-il rassuré ?
    — Assez pour que vous m’inquiétiez ! se moqua-t-il. Vous paraissez ignorer la peur, si bien que vous vous mettez en danger.
    — Le roi, c’est autre chose. Je serai prudente. Je mesurerai mes mots.
    — Je n’en crois rien ! Vous jouez en vous fiant à vos seules émotions.
    Son visage s’assombrit :
    — La chance ne sourit qu’une fois. Les innocents l’ignorent.
    — Après, je reprendrai ma vie. Je ne demande qu’un entretien.
    — Priez Dieu qu’il ne s’agisse pas du dernier.
    Ses yeux se faisaient lourds. Les heures blanches pesaient. Nous quittions les bois épais et profonds, dédiés aux chasses qui encerclaient Versailles. La cadence s’éleva. Peu avant, nous avions surpris une horde de sangliers cherchant pitance au bord du chemin. L’un d’eux, un solitaire, avait chargé, furieusement contrarié par le tonnerre des fers et des roues qui rompait le silence pétri de son royaume. Le fouet claqua. La bête ne renonça pas, se jeta encore. En jurant, le cocher accéléra la course et son cheval de droite, à l’unisson, exécuta la manœuvre que commandait son maître. Il botta et toucha sa proie. Le sanglier roula sur le côté, inerte et moitié mort. Le marquis n’avait pas bronché. Il me sembla qu’il s’était assoupi. Le temps se dévida au fil des champs mornes qu’un sursaut de fragment lunaire couvrait d’une brume blafarde. J’allais, comme seule, traversant la rase campagne, blottie dans cet abri feutré et bercée par l’écho éclatant de Versailles. Les phrases jetées au chevalier de Saint Val résonnaient dans ma tête. N’avais-je pas ainsi brisé tout espoir de parler au roi ?
    — Votre sujet demande de faire appel à l’intelligence, reprit soudainement le marquis. Il faut réfléchir. Et je n’ai pas la tête à cela.
    — Puis-je vous aider ?
    Un à-coup le fit sursauter. Il se redressa :
    — Essayons, souffla-t-il désabusé.
    — Au cours de cette soirée, débutai-je, j’ai appris que le roi, dans ces moments de représentation, était à tout le monde, mais surtout à personne. On le voit, mais on ne l’approche pas. Il faut donc aller le rencontrer dans ses moments d’intimité, lorsqu’il s’abandonne et redevient lui-même.
    Le marquis redressa la tête :
    — Je ne connais qu’un lieu où il n’est parfaitement que lui. C’est au lit !
    — S’il vous plaît !
    — Pardonnez-moi. Je ne pensais qu’à Morphée...
    Il referma les yeux.
    — Attendez ! le secouai-je. Donnez-moi encore un peu de temps.
    — Pour étudier comment le roi emploie le sien ?
    — Pour trouver une faille.
    Il soupira :
    — Du Petit Lever au Grand Coucher, tout est orchestré et pas un moment ne lui est personnel. Je l’ai dit : l’intimité du roi commence et se finit derrière le rideau de son lit. Devant, sa vie lui échappe. À huit heures, son premier valet murmure : « Sire, il est huit heures. » Le Petit Lever n’est pas terminé qu’entrent les gens de sa chambre. Déjà, les questions et les demandes affluent. A-t-il eu le temps d’enfiler sa chemise ? Les gentilshommes s’annoncent, et le grand maître de la garde-robe l’invite à se décider car le Petit Lever s’achève, et c’est la ruée. Le prince de Condé presse le pas pour devancer les lecteurs du roi et les précepteurs du Dauphin qui insistent pour lui parler d’une affaire grave liée à la science ou à la géographie. Déjà, le Grand Écuyer s’impatiente. Il réclame une faveur. Il veut un régiment ! Le roi ne lui répond pas. Des entrées par-derrière, surgit la famille royale alors que, dans l’antichambre, les privilégiés affluent en nombre. Au premier rang, il y a Racine. Ce n’est pas le poète, mais l’historien qui sollicite le roi. Un détail de la reddition de la paix d’Aix-la-Chapelle le tracasse. C’était le 2 mai 1668. Voyez-vous, c’est loin... « Sire, que dois-je écrire ? » Ah ! Mais Fontenelle a jailli dans son dos et le double. Il souhaite montrer au roi la dernière fabrication du Mercure galant . Passera-t-elle la censure ? Cette question l’a tenu en éveil toute la nuit. Et dès six heures, il attendait aux côtés des autres qui rêvent de voir simplement le Soleil.
    — Va-t-il enfin se lever ? m’énervai-je.
    — Ah ! Quelle impatience... Le roi en a moins. Il va lentement. Il se rend à son Conseil. S’agit-il de celui des Dépêches, des

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