Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
le gouffre que ces malheureux avaient entrouvert ne se referma pas encore. Sa voix se fit entendre. Une voix claire et des mots effroyables. Il parla, oui, de vengeance et de mort.
    — Il réclamait des têtes ?
    — Pas n’importe lesquelles. Louvois en faisait partie. Oui ! Louvois fut cité.
    — Le ministre du roi ?
    Le marquis acquiesça.
    — Ah ! fit-il. J’oubliais ce détail qui a son importance. Le temps qu’il apparut suffit pour voir qu’il était noir. Et il se présenta comme un esclave.
    La comtesse ouvrit de grands yeux. Le marquis exulta :
    — Il eut encore le temps de leur apprendre qu’il arrivait de Louisiane à bord d’un navire marchand parvenu ces jours-ci en France. L’esprit de l’esclave aurait fait ce long voyage pour obtenir réparation auprès du roi.
    — Réparation ! Mais pourquoi ?
    — Il a affirmé avoir été maltraité par un colon de la Nouvelle-France. Celui-ci l’aurait affamé et battu à mort sans raison légitime. Dès lors, et tant que le coupable ne serait pas puni, son âme errerait entre ici et son fief natal dans lequel il retournerait après la tenue d’un juste procès. Se considérant, par la force des choses, comme sujet de Sa Majesté, c’était vers son représentant suprême que, désormais, il se tournait. Et resterait à Versailles tant qu’il n’aurait pas été entendu.
    — Quelle sornette, murmura la marquise, d’une voix mal assurée. Mais je peux imaginer l’épouvante de la vicomtesse de Lancquet et de ses invités.
    — Alors qu’elle s’évanouissait, un compère partit en hurlant. C’est d’ailleurs ainsi qu’un garde a surgi et a pris ces tristes personnages la main dans le sac...
    — Ce soldat a-t-il vu ce revenant ?
    — Envolé, je vous l’ai dit, dans l’étain du miroir. Et maintenant, le plus grave : le fantôme a promis d’exécuter un crime chaque jour jusqu’à obtenir réparation.
    — Le roi ne peut assurément pas laisser sans suite des menaces aussi macabres.
    Le marquis confirma :
    — Sa colère, me dit-on, fut terrible. Cette aventure n’est pas sans lui rappeler les pires moments de l’Affaire des Poisons. Et cette fois, dans son propre château ! L’enquête qui suivit fut rapide. On a interrogé la vicomtesse. Elle a tout reconnu. Le faux prêtre est à la Bastille, le sort des autres se décide aujourd’hui. Mais le fantôme ? Eh bien lui, il a disparu...
    — Quelle affaire, mon ami ! exhuma la marquise de Sévigné.
    — Quelle farce, plutôt ! rétorqua celui-ci.
    — Oui, se reprit la moraliste sur un ton plus solide. Il ne peut s’agir que de cela... Mais alors, quelle mise en scène !
    — Qu’importe son auteur. Elle nous sert, car maintenant La Salle apparaît. Voyez-vous comment ?
    Je crus avoir compris l’idée de monsieur Louis de Mieszko :
    — Auriez-vous l’intention d’installer La Salle sur le même bateau que le fantôme ?
    — Félicitations, Hélène ! Je me sers en effet d’un élément plausible et peu discutable : un bateau est arrivé de Louisiane. Dans cette affaire, tout est sans doute impossible , sauf l’existence d’un navire accostant en France. Comme vous l’avez compris, nous nous appuierons sur ce fait concevable et acceptable par un esprit humain pour tirer notre épingle du jeu. Déjà, j’ai avancé mes pions et donné des ordres. En ce moment, à Versailles, des hommes de confiance passent de courtisan en courtisan en se moquant du fantôme, mais en acclamant au génie de son inventeur, car, en effet , soutiennent-ils, un navire de la Louisiane viendrait d’arriver à Rouen. Ils n’ont plus qu’à ajouter : « La Salle est peut-être à son bord ? » Ou encore : « Où ai-je donc appris qu’il se portait mal ? » Je connais la cour. Ce soir, elle en parlera avec certitude. Demain, jeudi, elle ne se choquera pas d’apprendre que le roi est parti au-devant de son explorateur. C’est alors que nous agirons.
    — N’avions-nous pas parlé de vendredi ? demandai-je le cœur serré.
    — Ne tardons pas. La Reynie mène l’enquête. Il est redoutable. C’est pourquoi je donne peu de chance aux histrions qui ont voulu effrayer la vicomtesse de Lancquet. Il trouvera vite, d’autant que le roi veut que cesse ce désordre. Il nous faut donc, sans attendre, profiter de l’émoi provoqué par le fantôme de Versailles.
    Il m’observa tendrement :
    — Mais nous pouvons encore tout arrêter. Auriez-vous peur, Hélène ?
    — Pas un instant ! Et si je ne

Weitere Kostenlose Bücher